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Le Forestier, par Gustave Aimard

Trois ans s’étaient écoutés depuis que ces événements s’étaient passés à l’hacienda del Rayo, le jour ou les aventuriers arrivèrent et demandèrent l’hospitalité, qui leur fut généreusement accordée.

Doña Flor avait seize ans ; sa beauté avait tenu tout ce qu’elle promettait, mais elle était froide, pâle, sévère, comme une statue de marbre ; un léger pli s’était creusé entre ses sourcils, son regard était pensif et se fixait parfois sur son père avec une expression indéfinissable de haine et de colère.

L’haciondero l’adorait ou semblait l’adorer ; il ne la gênait en rien et cédait avec une docilité d’enfant à ses moindres caprices.

Seulement, pendant la nuit terrible qu’il avait passée tête à tête avec le cadavre de sa femme, ses cheveux étaient devenus complètement blancs.

Le père Sanchez était toujours comme par le passé, un religieux doux, compatissant, calme et résigné.

Voilà qui était don Jesus Ordoñez de Silva y Castro, propriétaire de l’hacienda del Rayo, et quelques-uns des événements dont avait été assaillie l’existence de ce digne gentilhomme.


IV

Comment don Fernan devint amoureux de doña Flor et loua une maison à don Jesus


L’aventurier, aidé par Michel le Basque, achevait sa toilette au moment où le premier tintement de la cloche du souper se fit entendre.

Presque aussitôt le mayordomo, après avoir préalablement gratté à la porte, pénétra dans la chambre.

— Votre Excellence est servie, monseigneur, dit-il en s’inclinant gravement ; puis il tourna sur les talons.

Le jeune homme le suivit.

Le mayordomo le conduisit au réfectoire ; c’est ainsi qu’on nommait alors la pièce que nous appelons aujourd’hui salle à manger.

Ce réfectoire était une immense salle voûtée, assez basse, dont le plafond en saillies s’appuyait sur des colonnes monolithes en granit noir ; d’étroites

(Liv. 17)