— Ah murmura Fernan en se pinçant les lèvres.
— Mon Dieu, oui ! je fais le service de garde-côte, vous comprenez ?
— Parfaitement.
— Et que compte-t-on faire de ces pauvres gens ? demanda doña Flor avec intérêt.
— Ils seront pendus haut et court ; d’ailleurs, ils ne se font nulle illusion sur leur sort ; ils ont deviné ce qui les attend.
— Savez-vous quand aura lieu cette belle exécution ? demanda Fernan.
— Je ne pourrais trop vous dire, mais je crois qu’ils ne seront pas pendus avant une dizaine de jour.
— Pourquoi si tard ?
— Une idée du gouverneur, idée assez ingénieuse, du reste. Il doit y avoir une fête à Panama, l’exécution des ladrones fera partie des divertissements.
— C’est, en effet, parfaitement trouvé ; il faut être Espagnol pour avoir d’aussi belles idées dit le jeune homme avec amertume.
— Pauvres malheureux, s’écria doña Flor, dont tes yeux étaient remplis de larmes. Comme ils doivent souffrir !
— Eux ! fit le capitaine en haussant les épaules ; allons donc, vous vous trompez du tout au tout, señora ils rient, chantent et boivent toute la journée.
— Ils essaient de s’étourdir.
— Pas le moins du monde ; ils prétendent avec un aplomb qui donnerait fort à réfléchir, si l’on n’avait pas la certitude que cela est impossible ; ils prétendent, dis-je, qu’ils ne seront pas pendus et que leurs amis les sauveront.
Fernan et Michel le Basque échangèrent un regard expressif.
— Dieu le veuille ! murmura la jeune fille.
— Amen ! fit le père Sanchez.
— Vive Dios ! je ne partage pas cet avis, dit l’haciendero ; ces ladrones sont de mauvais drôles qui ne croient ni à Dieu ni à diable et sont capables des crimes les plus affreux ; leur audace est inouïe ; ils tiennent presque notre formidable marine en échec ; morte la bête, mort le venin ; plus on en tuera, moins il en restera en état de nous nuire ; qu’en pensez-vous, capitaine ?
— Je pense que ce serait une sottise de leur faire grâce, quand on les tient un bon bout de corde règle bien des comptes.
— C’est possible, dit le chapelain, mais pourquoi vous montrer plus féroce qu’ils ne le sont eux-mêmes ? après la bataille, ils ne tuent pas les prisonniers.
— Et Monbarts l’Exterminateur ? s’écria le capitaine.