Page:Aimard - Le forestier.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
Le Forestier

chevaux, on en sellera six, un pour moi, un autre pour toi, et tes autres pour quatre domestiques Fil-de-Soie m’accompagnera aussi.

— Alors on sellera sept chevaux ?

— Tu as raison. Allez, frères, et m’oubliez pas que le succès de l’expédition dépend encore plus de vous que de moi.

Les boucaniers vidèrent leurs verres et se retireront, non sans avoir serré la main du capitaine.

— Eh bien ! qu’en penses-tu maintenant ?

— Je pense que tu es un démon, répondit Vent-en-Panne, et qu’après ce que tu viens de leur dire, ils se feront tous tuer pour toi.

— Je le pense aussi. Ah ça ! voilà trois jours que tu es arrivé ?

— Trois jours, oui.

— Bon Alors dis-moi ce que tu as vu.

— Hum ! frère, ce que j’ai vu n’est guère rassurant.

— Bah ! raconte-moi donc cela.

— Je ne plaisantes et tu as tort, Laurent.

— Je ne plaisante pas ; je te demande des renseignements, voilà tout.

— Très bien. La population de la ville, sans parler des pueblos environnants, est de soixante mille âmes.

— Cela ne m’étonne pas, le commerce est immense ici. Après ?

— La ville est fermée de murailles et entourée d’un fossé large et profond.

— Je sais cela, je l’ai vu.

— Fort bien. As-tu vu aussi tes deux cents pièces de canon braquées sur tes remparts ?

— J’ai vu des canons, mais je ne les ai pas comptés.

— Je les ai comptés, moi.

— Je m’en rapporte à toi, continue.

— L’entrée de la rade est défendue par quatre forts armés d’une façon formidable.

— Que nous importe cela ?

— Il ne faut rien négliger.

— Bon ! après ? tu ne m’as pas parlé de la garnison, il doit y en avoir une, cependant.

— Il y en a une, oui, frère.

— J’en étais sûr ; et de combien d’hommes se compose-t-elle, quinze ou vingt mille, probablement ?

Vent-en-Panne regarda son compagnon avec une surprise tellement naïve, que l’autre se mit à rire.