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Page:Aimard - Le forestier.djvu/168

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Le Forestier

— Vingt-cinq mille, alors, hein, est-ce cela ?

— Non, frère, répondit Vent-en-Panne, la garnison est de douze mille hommes, et je trouve que c’est déjà bien assez comme cela.

— Peuh ! des gavachos

— Des gavachos, oui, c’est vrai, mais qui ont fait la guerre des Flandres sous les ordres du marquis de Fuentès, de braves soldats, aguerris et qui se battront comme des démons.

— Tant mieux, nous aurons plus d’honneur à les vaincre.

— Tu ne doutes de rien.

— Et toi tu doutes de tout.

— Tu as tort de me parler ainsi, Laurent, je suis le matelot de Montbarts ; Michel le Basque et moi, nous ne l’avons jamais quitté, il sait ce que nous valons.

— Et moi aussi je le sais. Cordieu, frère, ta présence ici ne dément-elle pas mes paroles ? excuse-moi, j’ai eu tort, mon vieux camarade.

— Oh ! c’est trop, Laurent, c’est trop.

— Non, je suis un enfant mal élevé, orgueilleux, et je me laisse emporter à insulter des hommes qui valent mieux que moi ; mais tu sais combien je t’aime, frère, et tu me pardonnes, n’est-ce pas ?

— Peux-tu en douter ?

Ils échangèrent une chaleureuse poignée de main.

— Que faisait-on là-bas quand tu es parti ? reprit Laurent.

— On préparait l’expédition, mais il n’y avait rien d’arrêté encore. J’ai fait nommer l’amiral.

— Ah ! ah ! et quel est-il ?

— Figure-toi qu’on voulait nommer Morgan ; je déteste les Anglais, moi, et toi ?

— Moi aussi ; ils sont froids, cruels, voleurs et égoïstes.

— Je me suis opposé de toutes mes forces à cette nomination ; j’ai dit que la pensée première de l’expédition appartenait & un Français, car tu es Français, Laurent ?

— Je suis Frère de la Côte ; qu’importe le reste ?

— C’est juste, la nationalité ne signifie rien parmi nous, le cœur est tout reprit Vent-en-Panne sans remarquer qu’il se donnait un démenti il lui-même donc, j’ai soutenu que l’escadre devait être commandée par un Français que le pavillon français était le seul que nous voulions suivre, et que les amiraux en sous-ordre, Anglais ou autres, n’auraient droit qu’à un guidon au