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Le Forestier

— Je l’ignore, je ne connais ni ces bois ni ces montagnes.

— Alors, à cette heure de nuit, il serait imprudent de vous y aventurer davantage. Vos forces sont-elles un peu revenues, pensez-vous être en état de marcher ?

— Oui, maintenant je suis fort, donnez-moi encore quelques gouttes de la liqueur contenue dans votre gourde, cela me remettra complètement.

Le forestier lui passa sa gourde, l’inconnu but et la lui rendit.

— Maintenant, dit-il, je suis prêt à vous suivre ; où allons-nous ?

— Chez moi.

— Loin d’ici ?

— À une lieue à peine, mais, je vous en avertis, par des chemins exécrables.

— Cela n’est rien, je suis accoutumé à courir les montagnes de nuit comme de jour.

— Tant mieux alors, partons.

Oui, car j’ai hâte d’arriver quelque part, mes vêtements sont traversés, le froid me glace.

— Eh bien, en route !

— L’inconnu se pencha sur son cheval, retira tes pistolets contenus dans les fontes et les passa à sa ceinture.

— Pauvre Saïd, dit-il, un si noble animal tué par de misérables bandits !

— Ne vous plaignez pas, señor, sa mort vous a sauvé en vous permettant de vous faire un rempart de son corps.

— C’est juste.

Ils quittèrent alors la clairière ; malgré ce qu’avait dit l’étranger, il lui fallait une énergie surhumaine pour suivre les pas du forestier et ne pas rouler sur le sol.

No Santiago s’aperçut de l’état d’accablement dans lequel se trouvait son hôte ; malgré ses protestations, il l’obligea à prendre son bras, et ils continuèrent à s’avancer, mais plus doucement.

— Arrea, mon bellot ! cria le forestier à son chien, en avant en avant va prévenir nos amis.

Le chien s’élança et disparut dans tes taillis, comme s’il eût compris la mission de salut que son maître confiait à son intelligence.

Cependant Dieu a posé aux forces de l’homme une limite que dans aucun cas elles ne sauraient franchir ; malgré des efforts de volonté inouïe, il arriva un moment où l’étranger fut réduit à l’impossibilité complète, même avec l’aide du forestier, non seulement de faire un pas de plus, mais encore de se tenir plus longtemps debout.