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Le Forestier

— Soit je vous obéirai.

— Merci ! don Pablo, vous me faites réellement plaisir ; vous ne vous imaginez pas combien toutes ces cérémonies me pèsent ; je suis un homme tout franc, moi.

— Je le vois, et j’en suis heureux, señor.

— Ceci est mieux, mon cher don Pablo, je vois que vous vous habituerez.

— Désirez-vous vous rafraichir ?

— Je n’ai besoin de rien quant à posent, merci ! eh ! tenez, si nous profitions de notre solitude temporaire pour visiter votre charmant navire ?

Aucune proposition ne pouvait flatter davantage l’amour-propre du capitaine, aussi l’accepta-t-il avec empressement.

Le comte et le capitaine commencèrent leur visite ; Julien fut laissé sur le pont où il lia aussitôt connaissance avec l’équipage.

L’intérieur du navire ne démentait pas ce que promettait son extérieur, partout régnaient un luxe et une propreté remarquables : le capitaine avait dépensé un argent fou pour meubler et installer non seulement son appartement particulier, mais encore les chambres destinées aux officiers composant son état-major : aussi avait-il réussi à faire de l’arrière de son bâtiment le plus délicieux et le plus coquet retrait qui se puisse imaginer.

Le comte, tout en feignant d’être assez peu versé sur ce qui se rapportait aux choses de la mer, visita la corvette avec une sérieuse attention, ne laissant échapper aucun détail important et questionnant avec une feinte nonchalance le capitaine sur des choses qui auraient pu éveiller son attention, si don Pablo n’avait pas été aussi enorgueilli de recevoir un visiteur de cette qualité, et n’eût pas éprouvé un aussi grand plaisir à faire ressortir toutes les qualités de son charmant navire.

L’équipage de la Perla, fort considérable pour un aussi léger bâtiment, avait été renforcé depuis quelques jours et montait à cent soixante-dix hommes, tous excellents matelots, braves et surtout accoutumés à la discipline, qui, contrairement a ce qui se passait à peu prés sur tous les autres bâtiments, était sur celui-ci fort sévère.

Les officiers, au nombre de quatre, étaient de vieux marins énergiques et dévoués à leur chef qu’ils adoraient.

Le comte apprit de plus que la Perla, excellente marcheuse, manœuvrait avec une facilité singulière par tous les temps, et que son allure favorite était le plus près ; ce que, rien qu’a l’inspection extérieure du navire et à la disposition de sa mâture, le comte, au reste, avait tout de suite compris.