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Le Forestier

cheval, n’en soyez plus inquiet ; je prierai mon ami Pedro de le faire mettre à l’écurie ainsi que le mien.

— Bon ! Où sont-ils, señor ? demanda No Santiago.

— Mon domestique les garde tous deux à l’entrée de l’enclos.

— Pedro, ajouta le forestier, tu prendras soin du valet de ce señor.

— Pedro s’inclina et sortit aussitôt.

La joie et la gaîté qui, depuis si longtemps, avaient disparu, semblèrent être revenues avec l’étranger.

Les lèvres sourirent, les yeux brillèrent, la conversation s’anima. Don Felipe fut charmant d’entrain et d’esprit, il parla de Tolède, de la cour, des seigneurs qui entouraient le roi, en homme fort au courant de ce qui se passait dans l’intérieur du palais, raconta des anecdotes piquantes de la façon la plus spirituelle ; bref, par sa bonhomie, son laisser-aller de bon goût et son esprit parfois légèrement caustique, mais toujours raffiné, il enchanta ses auditeurs et les tint constamment sous le charme de sa parole vive, incisive et entraînante.

Les heures s’écoulaient comme les minutes.

Il fallut enfin se séparer ; don Felipe, qui semblait beaucoup se plaire auprès de cette charmante famille, retardait le plus possible l’instant du départ.

Mais à trois heures il fut enfin contraint de se retirer ; son devoir exigeait impérieusement sa présence à la cour à six heures précises.

Il partit, mais en promettant de revenir, promesse que ses hôtes lui recommandèrent vivement de ne pas oublier.

Don Felipe revint, en effet, d’abord toutes les semaines, puis deux fois par semaine, puis, enfin, tous les jours.

Chaque fois ses visites se faisaient plus longues ; il semblait éprouver une peine extrême à se séparer, même pour quelques heures seulement, de ses nouveaux amis.

Quant à eux, ils éprouvaient pour lui une profonde et sincère amitié.

Don Felipe, rendons-lui cette justice, faisait tout ce qu’il pouvait pour plaire à tout le monde.

Il chassait avec le forestier, causait des choses de la religion avec doña Maria, qui était très religieuse, riait, chantait, jouait et courait avec les jeunes filles, se montrait généreux et bonhomme avec les domestiques et flattait les chiens, auxquels il donnait des gimblettes.

En fallait-il davantage ?

Un jour, don Felipe annonça qu’une affaire imprévue le retiendrait absent