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Le Forestier

— Oui, mon fils, oui, venge ta mère ! Mais que dis-je, mon Dieu ! ils vont te tuer, ces hommes qui sont là au-dehors.

— Je ne le crois pas, mon père ; mais si cela arrive, vive Dieu, je me serai fait de belles funérailles ; donnez-moi un dernier baiser, mon père, et laissez-moi partir.

Il se pencha sur le vieillard, qui le baisa au front en pleurant.

— Et maintenant adieu, mon père, dit le jeune homme, me voilà fort !

— Attends, reprit le duc, je vais détourner leur attention.

L’homme noir, qui n’était autre qu’un alcade du palais du ministre, avait terminé sa lecture.

— Si vous n’ouvrez pas les portes, cria-t-il en pliant son parchemin, on fera feu sur vous comme sur des rebelles au roi.

— Votre roi, nous ne le connaissons pas, répondit le vieillard d’une voix stridente.

Au même instant, la porte s’ouvrit, et Gaston, s’élança, l’épée aux dents, les pistolets aux poings, à toute bride au milieu des estafiers.

— Feu ! feu ! sur les rebelles, hurla l’alcade.

— Feu ! répondit le duc.

Deux-terribles décharges éclatèrent presque en même temps.

Le vieillard tomba, la poitrine traversée, mais il se releva aussitôt.

Il y eut quelques secondes d’une mêlée affreuse entre les estafiers et le jeune homme ; enfin celui-ci se lança au milieu d’eux et, s’ouvrant un sanglant passage, il disparut sur le versant de la montagne en brandissant son épée et en jetant un cri de triomphe.

— Il est sauvé, Dieu soit béni ! s’écria le vieillard qui s’était cramponné à la muraille pour assister à la fuite de son petit-fils ; Seigneur, murmura-t-il, Seigneur, ayez pitié de moi !

Il lâcha l’appui qui jusque-là t’avait soutenu, et il roula sur le sol sans même jeter un soupir.

Il était mort.


FIN DU PROLOGUE