— Ah ! nous serons donc vengés enfin ! s’écria le vieillard avec une animation extraordinaire ; tu ne peux demeurer plus longtemps ici il faut partir, à l’instant, s’il est possible.
— Soit, mon père, je suis prêt, répondit le jeune homme en se levant.
— Mais où aller ? reprit le duc.
— En France d’abord ; de là, Dieu me conduira !
— Bien, mais hâte-toi.
Au même instant un serviteur entra et annonça au duc qu’une quinzaine de cavaliers arrivaient au galop le long de la rampe qui conduisait au château.
— Tout le monde sous les armes ! commanda le duc.
— Ils ont fait diligence, dit le jeune homme avec un sourire.
— Oui, mais il ne faut pas qu’ils s’emparent de toi.
— Ne craignez rien, mon père, ils ne m’auront pas vivant !
Ils sortirent.
Les domestiques du château, tous vieux serviteurs du duc, avaient pris les armes ; ils se tenaient prêts à obéir à leur maître, quelque fût l’ordre qu’il lui plût de leur donner.
Cependant les estafiers arrivaient grand train ; lorsqu’ils ne furent plus qu’à quelques pas du château, un homme vêtu de noir, qui avait une chaîne d’or au cou et tenait à la main une baguette en ébène, réclama au nom du roi l’entrée du château.
— Le roi n’a rien à faire ici, répondit nettement le duc.
Alors l’homme noir déplia un parchemin qu’il se mit à lire gravement.
Pendant ce temps, Gaston était monté à cheval et avait donné quelques ordres à voix basse au portier.
— Que prétends-tu faire ? demanda le duc.
— Passer au milieu de ces drôles.
— Mais ils te tueront, enfant ! s’écria le vieillard.
— Non pas, mon père, répondit-il en riant, ils sont trop maladroits pour cela.
— Mon Dieu ! mon Dieu !
— Mon père, donnez-moi votre bénédiction, dit le jeune homme en se découvrant.
— Sois béni, mon fils, répondit le vieillard d’une voix brisée. Mon Dieu ! faut-il donc te perdre, toi aussi, le dernier, le plus chéri de tous ?
— Dieu me protégera, mon père. Ne faut-il pas que je venge celle qui prie là-haut pour nous ?