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Le Forestier, par Gustave Aimard

— Ah ! nous serons donc vengés enfin ! s’écria le vieillard avec une animation extraordinaire ; tu ne peux demeurer plus longtemps ici il faut partir, à l’instant, s’il est possible.

— Soit, mon père, je suis prêt, répondit le jeune homme en se levant.

— Mais où aller ? reprit le duc.

— En France d’abord ; de là, Dieu me conduira !

— Bien, mais hâte-toi.

Au même instant un serviteur entra et annonça au duc qu’une quinzaine de cavaliers arrivaient au galop le long de la rampe qui conduisait au château.

— Tout le monde sous les armes ! commanda le duc.

— Ils ont fait diligence, dit le jeune homme avec un sourire.

— Oui, mais il ne faut pas qu’ils s’emparent de toi.

— Ne craignez rien, mon père, ils ne m’auront pas vivant  !

Ils sortirent.

Les domestiques du château, tous vieux serviteurs du duc, avaient pris les armes ; ils se tenaient prêts à obéir à leur maître, quelque fût l’ordre qu’il lui plût de leur donner.

Cependant les estafiers arrivaient grand train ; lorsqu’ils ne furent plus qu’à quelques pas du château, un homme vêtu de noir, qui avait une chaîne d’or au cou et tenait à la main une baguette en ébène, réclama au nom du roi l’entrée du château.

— Le roi n’a rien à faire ici, répondit nettement le duc.

Alors l’homme noir déplia un parchemin qu’il se mit à lire gravement.

Pendant ce temps, Gaston était monté à cheval et avait donné quelques ordres à voix basse au portier.

— Que prétends-tu faire ? demanda le duc.

— Passer au milieu de ces drôles.

— Mais ils te tueront, enfant ! s’écria le vieillard.

— Non pas, mon père, répondit-il en riant, ils sont trop maladroits pour cela.

— Mon Dieu ! mon Dieu !

— Mon père, donnez-moi votre bénédiction, dit le jeune homme en se découvrant.

— Sois béni, mon fils, répondit le vieillard d’une voix brisée. Mon Dieu ! faut-il donc te perdre, toi aussi, le dernier, le plus chéri de tous ?

— Dieu me protégera, mon père. Ne faut-il pas que je venge celle qui prie là-haut pour nous ?

(Liv. 10)