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Page:Aimard - Les Bohèmes de la mer, 1891.djvu/141

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— C’est assez probable, répondit-il d’un air railleur.

— Eh bien ! déduis les conséquences, animal ; ne cherchant pas de vivres, puisque nous en aurions eu, nous n’aurions pas découvert ce passage, si commode pour la réussite de nos projets.

— C’est pardieu vrai ! je ne suis qu’un sot.

— Ne te l’ai-je pas dit ? Mais ne demeurons pas ici plus longtemps ; hâtons-nous d’atteindre le fond de ce souterrain, afin de savoir le plus tôt possible à quoi nous en tenir.

Ils se remirent en marche ; après quelques détours, ils atteignirent l’extrémité de la caverne. Ainsi que Philippe l’avait prévu, la muraille de rochers était entièrement franchie ; la caverne débouchait dans l’intérieur de l’île par une fissure assez large masquée par d’épaisses broussailles et un monceau de pierres où, d’après leur arrangement, il était facile de reconnaître la main de l’homme.

Les aventuriers se glissèrent entre les pierres, écartèrent avec soin les broussailles, et ils se trouvèrent, non pas dans la campagne, ainsi qu’ils le supposaient, mais dans une huerta assez étendue, fermée de tous les côtés par une haie vive, et à l’extrémité de laquelle, à une distance de cent mètres environ, s’élevait une espèce de rancho ou de hatto, misérable cabane en bambous, couverte en feuilles de palmier.

— Diable ! dit Philippe, voilà qui est assez désagréable ; le propriétaire, quel qu’il soit, de cette habitation, va, s’il nous aperçoit, pousser des cris de paon et ameuter les habitants contre nous ; comment faire ?

— Demeurez ici, tandis que je pousserai une reconnaissance en avant ; si je ne découvre rien de suspect, je vous avertirai.

— Va, et surtout sois prudent.

Philippe se blottit au milieu des broussailles, tandis que Pitrians s’avançait résolument vers la maison.

Dans certains cas, l’audace est la meilleure tactique, l’action de Pitrians le prouva cette fois encore.

Il atteignit la maison, ouvrit la porte, qui, selon la coutume américaine, n’était fermée qu’au loquet : il se trouva dans une pièce misérablement meublée, servant à la fois de cuisine et de chambre à coucher ; cette chambre était déserte.

Et non seulement la chambre était déserte, mais les meubles, les ustensiles, enfin tout ce que contenait la maison se trouvait dans un tel état d’abandon et de ruine qu’il était évident que, depuis quelque temps déjà, ce rancho était inhabité.

Après avoir fureté partout sans rien découvrir qui le mît sur la voie du mystère que devait renfermer cette habitation, l’aventurier, enhardi par le succès de sa téméraire entreprise, voulut ouvrir la porte.

Il n’y put réussir, malgré tous ses efforts. Cette résistance, à laquelle il était loin de s’attendre, l’intrigua ; il chercha ce qui pouvait la retenir. Alors il s’aperçut qu’elle était clouée en dehors ; il alla à la fenêtre : la fenêtre était clouée aussi.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? murmura-t-il.