des relations qui, plus tard, vous seront utiles ; bien que mes apparitions soient rares dans le pueblo et mes visites fort courtes, je crois cependant avoir atteint le but que vous vous proposiez lorsque vous m’avez donné vos ordres ; le voile mystérieux qui me couvre m’a servi plus que je n’aurais oser l’espérer : je me suis attaché la plupart des vaqueros et des leperos du presidio, gens de sac et de corde presque, mais je puis compter sur eux tous, ils me sont dévoués ; ces hommes ne me connaissent que sous le nom de don Fernando Carril.
— Je ne l’ignorais pas, dit le Chat-Tigre.
— Ah ! fit le Mexicain en lançant un regard de colère au vieillard,
— Ne t’ai-je pas dit que je ne te perdais pas de vue ?
— Oui, pour ce qui regarde mes affaires personnelles.
— Bref, l’heure est venue de récolter ce que nous avons semé parmi ces bandits, qui, mieux que les Peaux-Rouges auxquels je n’ose me fier complètement, nous serviront contre leurs compatriotes par la connaissance de la tactique espagnole et par leur adresse à se servir des armes à feu. Maintenant ton rôle auprès de ces picaros est à peu près fini, le mien commence ; j’ai besoin d’entrer en relations directes avec eux.
— À votre aise ! je vous remercie de me décharger de la responsabilité d’une affaire dont vous n’avez jamais jugé à propos de me laisser entrevoir le but ; c’est avec le plus grand plaisir que je vous procurerai les moyens de traiter personnellement avec les coquins que j’ai enrôlés à votre service.
— Je comprends quelles sont les raisons qui te font désirer de rentrer en possession de ta liberté ; je les approuve d’autant plus que c’est moi le premier qui t’ai inspiré le désir de faire plus ample connaissance avec la charmante fille de don Pedro de Luna.
— Pas un mot de plus sur ce sujet, dit don Fernando avec violence. Si, jusqu’à présent, j’ai consenti à me laisser diriger par vous et à obéir à vos ordres sans les discuter, l’heure est venue de poser clairement et catégoriquement la question entre nous, afin que dans l’avenir un malentendu ne soit pas possible ; cette raison seule a été assez pressante pour me faire cette nuit répondre à votre appel.
Le Chat-Tigre lança au jeune homme un regard profondément investigateur, puis au bout d’un instant il répondit :
— Parle donc, insensé qui ne vois pas le précipice ouvert sous tes pas, parle, je t’écoute.
Don Fernando demeura quelques minutes silencieusement accoudé au tronc noueux d’un peuplier, la tête penchée et les regards dirigés vers la terre.
— Chat-Tigre, dit-il enfin, j’ignore qui vous êtes et quel motif vous a poussé à renoncer à la vie civilisée pour vous retirer au désert et adopter les mœurs indiennes, je ne veux pas le savoir : chaque homme doit être responsable de ses actions et ne doit en rendre compte qu’à sa conscience ; pour ce qui me regarde personnellement, jamais un mot de votre bouche ne m’a instruit, ni du lieu de ma naissance, ni de la famille à laquelle j’appartiens ; bien que vous m’ayez élevé et qu’aussi loin que remontent mes souvenirs d’enfance je