depuis son départ de Buenos-Ayres, il n’avait entendu parler de don Leoncio, nul ne savait ce qu’il était devenu ni même s’il était mort ou vivant.
Cinq ans après son arrivée à l’hacienda de las Norias de San-Pedro, un nouveau malheur avait frappé le pauvre exilé : doña Antonia, qui n’avait jamais pu se remettre complètement de l’ébranlement qu’avait subi sa raison à la suite de l’horrible catastrophe de la pampa, et dont la santé avait toujours été languissante depuis cette époque, avait succombé entre ses bras en donnant le jour à une fille.
Cette fille était la charmante enfant que nous avons présentée au lecteur sous le nom de doña Hermosa.
Alors don Pedro, brisé par la douleur, concentra ses affections sur cette délicieuse créature, seul lien qui le rattachât désormais à cette existence qui aurait dû être si heureuse et qui, tranchée par l’aile froide de l’adversité, était subitement devenue si malheureuse.
De tous ceux qui avaient suivi l’exilé dans sa fuite, lui seul restait ; tous étaient morts, il les avait vus les uns après les autres tomber à ses côtés.
Manuela, la femme de Luco, confidente des douleurs de son maître, fut chargée de l’éducation de la jeune fille, qu’elle éleva avec un soin et un dévouement au-dessus de tout éloge.
À l’époque où commence cette histoire et dont ce qui précède n’est pour ainsi dire que le prologue, Hermosa avait plus de seize ans ; il y avait donc plus de vingt ans que les faits que nous avons rapportés s’étaient passés.
Ceux de nos lecteurs que ce récit a intéressés en connaîtront le dénouement dans le Cœur-de-Pierre.