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Page:Aimard - Les Chasseurs d’abeilles, 1893.djvu/230

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LES CHASSEURS D’ABEILLES

— Dieu vous entende ! mais je n’ose l’espérer.

— Au revoir, caballeros, et bonne chance, dit le jeune homme en serrant amicalement la main aux deux vieux soldats ; et il sortit.

Dans la cour, don Estevan Diaz l’attendait ; dès qu’il parut, il accourut à lui.

— Eh bien ! lui dit le mayordomo, vous savez la nouvelle, don Fernando ? les Indiens descendent plus nombreux que les mouches, dit-on.

— Oui, je viens de l’apprendre.

— Eh bien ! que comptez-vous faire ?

— Retourner immédiatement à l’hacienda.

— Hum ! ce n’est guère prudent, cela, dit Estevan en hochant la tête : vous ne savez pas avec quelle rapidité ces démons se répandent partout ; il est probable que nous en trouverons sur notre route.

— Eh bien ! nous leur passerons sur le corps.

— Canarios ! je le sais bien, mais, si vous êtes tué !

— Bah ! doña Hermosa m’attend, et puis l’on n’est pas toujours tué.

— C’est vrai, mais on peut l’être.

— Bah ! nous le verrons bien.

— C’est probable ; du reste, comme j’avais prévu vos objections, j’avais tout préparé pour le départ ; les chevaux sont là, tout sellés, les peones vous attendent ; nous nous mettrons en route quand vous voudrez.

— Merci ! Estevan, lui dit don Fernando en lui serrant la main : vous êtes un véritable ami.

— Je le sais bien, répondit en souriant le jeune homme.

Estevan Diaz donna un coup de sifflet ; les chevaux entrèrent dans la cour, amenés par les peones qui en conduisaient chacun un en bride.

— Partons ! dit don Fernando en se mettant en selle.

— Partons ! répéta le mayordomo.

Ils firent sentir l’éperon à leurs chevaux et commencèrent à fendre avec difficulté la foule des oisifs rassemblés devant la porte du fort afin d’apprendre plus tôt les nouvelles.

La petite troupe descendit au grand trot la pente assez raide qui conduit du fort au presidio, répondant tant bien que mal aux questions dont ils étaient continuellement assaillis sur leur passage par les curieux. Puis, lorsqu’enfin ils eurent atteint l’extrémité du pueblo, ils se lancèrent à toute bride du côté de l’hacienda del Cormillo, sans remarquer les gestes répétés de plusieurs individus à tournure plus que suspecte, enveloppés avec soin dans d’épais manteaux, qui, depuis leur départ du fort, suivaient à distance en causant vivement entre eux.

Le temps était à l’orage, le ciel était gris et bas, les oiseaux tournoyaient en sifflant, et le vent soufflant par rafales, s’engouffrait en mugissant dans les cañons de la route, faisant voler au loin des flots de poussière impalpable.

Les deux peones, qui avait appris au presidio l’arrivée prochaine des Indiens, marchaient à une vingtaine de pas en avant et jetaient çà et là sur les bords de la route des regards effarés, s’attendant à chaque instant à voir