prétexte avez-vous pour envahir ainsi nos frontières sans déclaration de guerre préalable ? Avons-nous manqué aux engagements que nous avions pris avec vous ? N’avons-nous pas toujours été bons pour les Indiens qui réclamaient notre secours et notre protection ? Répondez.
— Pourquoi mon père feint-il d’ignorer les justes motifs de guerre que, nous avons contre les Visages-Pâles ? répondit l’Apache feignant d’être mécontent des paroles du major ; mon père sait que nous sommes depuis des siècles en guerre continuelle avec les longs couteaux[1] qui habitent de l’autre côté des montagnes. Pourquoi la nation de mon père, qui dit avoir de l’amitié pour nous, a-t-elle traité avec eux ?
— Chef, vous nous cherchez là une querelle qui ne signifie rien ; j’aimerais mieux que vous nous disiez franchement que vous avez envie de piller nos bestiaux et de voler nos chevaux, que de nous donner un prétexte qui n’a pas le sens commun ; nous serions en guerre avec les Comanches que vous agiriez absolument comme vous le faites ; ainsi, chef, faites-moi le plaisir de ne pas vous moquer plus longtemps de moi et de venir au fait : que voulez-vous ?
Le chef se mit à rire.
— Mon père est malin, dit-il ; écoutez : voici ce que disent les chefs : cette terre est à nous, nous la voulons, les ancêtres blancs de mon père n’avaient pas le droit de s’y établir.
— Ceci est au moins spécieux ; car ce territoire, mes ancêtres l’ont acheté à un sachem de votre nation, fit le major.
— Les chefs réunis autour de l’arbre du Maître de la vie ont résolu de rendre au grand chef blanc, sans en conserver un seul, tous les objets donnés jadis à ce sachem en échange de la terre, et de reprendre la contrée qui leur appartient et dans laquelle ils ne veulent plus voir de Visages-Pâles.
— Est-ce tout ce que vous êtes chargé de me dire ?
— C’est tout, dit l’Indien en s’inclinant.
— Et combien de temps, répondit le major, les chefs laissent-ils au gouverneur du presidio pour discuter ces propositions ?
— Deux heures.
— Fort bien, dit ironiquement le major, et, si le gouverneur refuse, que feront mes frères ?
— Les sachems, répondit l’Apache avec emphase, ont résolu de rentrer dans la propriété de leur territoire ; si les Visages-Pâles refusent de le rendre, leur village sera incendié, leurs guerriers mis à mort, leurs femmes et leurs enfants emmenés en esclavage.
— Ah ! fit le major : avant que vous obteniez un pareil résultat, tous les blancs du presidio se seront fait tuer en le défendant, mais je ne dois pas discuter avec vous, je transmettrai vos demandes au gouverneur telles que vous les avez posées ; et demain au lever du soleil vous aurez notre réponse, seulement vous suspendrez les hostilités jusque-là.
- ↑ Habitants des États-Unis.