Page:Aimard - Les Chasseurs d’abeilles, 1893.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
LES CHASSEURS D’ABEILLES

tement avec force et un homme s’élança dans la salle, le visage bouleversé et en proie à la plus grande frayeur.

— Alerte ! alerte ! cria-t-il, nous sommes perdus !

Le gardien fit reculer d’un geste don Fernando et se plaça résolument devant la porte, sur le seuil de laquelle parurent au même instant quatre hommes masqués et armés jusqu’aux dents.

— Arrière ! dit le gardien. Nul n’entre ici, s’il n’a le mot d’ordre.

— Le voici, dit un des arrivants. Et d’un coup de pistolet, il lui fit sauter le crâne.

Celui-ci tomba lourdement sur la face en poussant un hurlement de rage.

Les quatre hommes lui passèrent sur le corps, attachèrent solidement son compagnon, qui, réfugié dans un coin, tremblait de terreur, et, s’avançant vers don Fernando, qui ne comprenait rien à cette scène étrange, l’un d’eux lui dit :

— Vous êtes libre, caballero ; venez, il vous faut quitter à l’instant cette maison.

— Qui êtes-vous d’abord, répondit le jeune homme, vous qui prétendez être mes libérateurs ?

— Nous ne pouvons vous l’expliquer ici, venez, hâtez-vous de nous suivre, répondit l’homme masqué.

— Non, pas avant de savoir qui vous êtes.

L’autre fit un geste d’impatience et, se penchant à son oreille :

— Insensé ! lui dit-il, vous ne voulez donc pas revoir doña Hermosa ?

Don Fernando rougit d’espoir.

— Je vous suis, dit-il avec émotion.

— Tenez, reprit l’homme masqué, prenez ces pistolets et cette épée, tout n’est pas fini encore, peut-être aurons-nous besoin de combattre.

— Oh ! fit le jeune homme avec joie, je vois à présent que vous êtes envoyé réellement pour me sauver : je vous suivrai où vous voudrez.

Et il s’empara des armes qu’il passa dans sa ceinture.

Ils sortirent à pas précipités des appartements.

— Eh quoi ! dit don Fernando en mettant le pied dans la cour, suis-je donc dans le présidio de San-Lucar ?

— Vous l’ignoriez ? lui demanda son guide.

— Comment l’aurai-je appris ? on m’a conduit ici les yeux bandés.

Plusieurs chevaux étaient attachés tout sellés à des anneaux.

— Pourrez-vous vous tenir à cheval ? reprit l’inconnu.

— Je l’espère, répondit le jeune homme.

— Il le faut, dit péremptoirement l’inconnu.

— Alors je m’y tiendrai, quand je devrais en mourir.

— C’est bien ! en selle et partons.

Au moment où ils débouchaient dans la rue, une troupe de dix ou douze cavaliers arrivait à toute bride sur eux ; elle n’était éloignée que de vingt pas au plus.

— Voici l’ennemi ! dit l’inconnu d’une voix basse et ferme ; bride aux dents et chargeons ! il faut leur passer sur le ventre ou mourir !