— Délivre-nous premièrement.
— Il sera fait ainsi que tu le veux.
Les Indiens étaient restés immobiles, spectateurs impassibles de cette courte conversation, qu’ils n’avaient pu entendre ; le sorcier se tourna vers eux, et, leur montrant un visage bouleversé par la frayeur :
— Fuyez ! dit-il avec un accent terrible : cette femme porte un mauvais sort ; le Wacondah est irrité ; fuyez ! fuyez !
Les Indiens, que la présence seule de leur sorcier rassurait, le voyant en proie à cette terreur pour eux indéfinissable, se jetèrent les uns sur les autres et se dispersèrent de tous les côtés, sans en demander davantage.
Dès qu’ils eurent disparu derrière les toldos :
— Eh bien ! dit l’amantzin aux deux femmes, croyez-vous que je puisse vous protéger ?
— Oui, répondit Manuela, et je remercie mon père, il est aussi puissant qu’il est sage.
Un sourire d’orgueil satisfait se dessina sur les lèvres minces du cauteleux Indien.
— Je puis me venger de ceux qui me trompent, dit-il.
— Aussi n’essaierai-je pas de tromper mon père, répondit la Mexicaine.
— D’où vient ma fille blanche ? demanda-t-il.
— De l’arche du premier homme, répondit-elle avec assurance en le regardant bien en face.
Le sorcier rougit.
— Ma fille a la langue fourchue du cougonar, dit-il, me prend-elle pour un iguane que l’on trompe comme une vieille femme ?
— Voici un collier, dit-elle en présentant un riche collier de perles à l’Indien, que le Wacondah m’a remis pour l’homme inspiré des Apaches.
— Och ! fit le sorcier, ma mère ne peut pas mentir, elle est sage ; quel service puis-je encore lui rendre ? ajouta-t-il en envoyant, après y avoir jeté les yeux, le collier rejoindre les bracelets.
— Je veux que mon père me conduise au toldo du grand chef blanc qui combat dans les rangs des guerriers apaches.
— Ma fille désire parler au visage pâle ?
— Je le désire.
— Ce guerrier est un chef sage, recevra-t-il des femmes ?
— Que cela n’embarrasse pas mon père, il faut que cette nuit je parle au grand chef.
— Bon ! ma mère lui parlera, mais cette femme ? ajouta-t-il en désignant doña Hermosa.
— Cette femme, répondit Manuela, est une amie du Chat-Tigre, elle aussi est chargée d’une mission auprès du sachem.
Le sorcier secoua la tête.
— Les guerriers fileront la laine des vigognes, dit-il, puisque les femmes font la guerre et s’assoient au feu du conseil.
— Mon père se trompe, reprit la vieille dame, le sachem aime ma sœur.
— Non, répondit l’Indien.