— Rassurez-vous, le mal que vous avez fait est en partie réparé : don Fernando, enlevé par mes ordres des mains de Pablito, est en ce moment à l’hacienda de las Norias, d’où il ne tardera pas à partir pour Mexico ; mon père, qui n’a jamais rien su me refuser, m’a permis d’aller rejoindre celui que je préfère.
Et elle lança au jeune homme un regard chargé d’une indicible expression d’amour.
Don Torribio était confondu ; une foule de sentiments opposés se combattaient dans son cœur ; il n’osait croire aux paroles de la jeune fille ; un doute lui restait, doute cruel : si elle se jouait de lui ?
— Eh quoi ! dit-il, vous m’aimeriez encore ?
— Ma présence n’est-elle pas assez significative ? répondit-elle. Pourquoi serais-je venue ici ? quelle raison pouvait m’y obliger ?
— C’est vrai, s’écria-t-il en tombant à ses genoux ; pardonnez-moi, señorita, je suis fou, je ne sais ce que je dis, oh ! c’est trop de bonheur !
Un sourire de triomphe éclaira Je visage de la jeune fille.
— Si je ne vous aimais pas, dit-elle, ne pouvais-je pas épouser don Fernando, puisque maintenant il est près de nous à l’hacienda ?
— Oui, oui, vous avez raison, cent fois, mille fois raison ! O femmes ! créatures adorables, qui peut jamais sonder vos cœurs ?
Doña Hermosa réprima un sourire sardonique : elle avait abattu le lion à ses pieds ; cet homme si fort était vaincu ; elle était sûre désormais de sa vengeance.
— Que répondrai-je à mon père ? dit-elle.
Le jeune homme se releva, ses yeux lancèrent des éclairs, son front s’éclaira, et, d’une voix profonde :
— Señorita, répondit-il avec une expression de bonheur inexprimable, dites à votre père que ma vie entière ne suffira pas pour payer le doux instant que je viens de passer près de vous. Dès que le présidio de San-Lucar sera pris, j’aurai l’honneur de me présenter à l’hacienda de don Pedro de Luna.
XII
VOLONTÉ FÉMININE
Toute situation extrême, lorsqu’elle est arrivée à son point culminant, doit immédiatement avoir une réaction en sens opposé : ce fut ce qui arriva aussitôt après la scène que nous avons rapportée dans le précédent chapitre.
Don Torribio, ivre de bonheur, ne se livrait qu’avec une instinctive défiance aux assurances d’amour que lui donnait doña Hermosa.
Cependant l’invraisemblance même de la démarche tentée auprès de lui