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Page:Aimard - Les Chasseurs d’abeilles, 1893.djvu/302

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LES CHASSEURS D’ABEILLES

avec les blancs qui restaient dans le fort, dont les portes avaient immédiatement été fermées sur lui.

Don Torribio fit signe aux Indiens de s’arrêter et il s’avança seul auprès du fort.

— Major, cria-t-il d’une voix forte, rendez-vous, vous et la garnison aurez la vie sauve.

Le major parut.

— Vous êtes un traître, un lâche et un chien ! répondit-il ; vous avez assassiné mon ami, un homme qui s’était fié à votre loyauté ; je ne me rendrai pas.

— C’est la mort pour vous et pour tous ceux qui vous accompagnent, reprit-il, par humanité rendez-vous, vous ne pouvez vous défendre.

— Vous êtes un lâche ! vous dis-je, cria le major, voilà ma réponse.

— En arrière ! en arrière ! hurla le Chat-Tigre en enfonçant les éperons dans le ventre de son cheval qui fit un bond prodigieux, et partit avec la rapidité d’une flèche.

Les Indiens se précipitèrent du haut en bas de la rampe en courant comme des fous, et en proie à une terreur panique, indescriptible, mais pas assez vite pour éviter complètement le malheur qui les menaçait ; le major avait mis le feu aux poudres renfermées dans le fort.

Une détonation terrible se fit entendre. Le géant de pierre oscilla deux ou trois secondes sur sa base comme un mastodonte ivre, pais, brusquement arraché du sol, il s’éleva dans l’espace, éclatant comme une grenade trop mûre.

Aux cris répétés de : Vive la patrie ! poussés par ses défenseurs, une pluie de pierres et de cadavres horriblement mutilés tomba sur les Indiens terrifiés de cette épouvantable catastrophe, puis ce fut tout. Le Chat-Tigre était maître du présidio de San-Lucar, mais, ainsi que le major Barnum se l’était juré, le vieux bandit ne s’était emparé que de ruines et de décombres.

Ce fut avec des larmes de rage que don Torribio planta le totem des Apaches sur un pan de mur chancelant, seul vestige qui indiquât la place où dix minutes auparavant s’élevait le magnifique fort de San-Lucar.


XIV

PÉRIPÉTIE


Quelques jours s’étaient écoulés depuis la prise du présidio de San-Lucar.

Le pueblo avait été livré au pillage avec des raffinements de barbarie impossible à décrire.

Les principales maisons avaient seules échappé, grâce au moyen employé par le Chat-Tigre qui, pour sauver les immenses richesses qu’elles renfer-