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LES CHASSEURS D’ABEILLES

Celui-ci les saisit avec un mouvement de joie qu’il ne chercha pas à dissimuler, les considéra un instant avec des yeux étincelants de plaisir, puis il les serra précieusement dans sa poitrine.

— Un instant ! dit en souriant don Fernando, je ne vous ai pas dit encore mes conditions.

— Quelles qu’elles soient, je les accepte, seigneurie ! s’écria-t-il vivement ; caspita ! sept mille cinq cents piastres, c’est une fortune pour un pauvre diable comme moi ; jamais une navajada, si bien qu’on me la paie, ne me rapportera autant.

— Ainsi, vos réflexions sont faites ?

— Canarios ! je le crois bien ; qui faut-il couper ?

— Personne, répondit sèchement le jeune homme ; écoutez-moi, il s’agit simplement de me conduire à l’endroit où s’est réfugié le Chat-Tigre.

Le lepero secoua la tête d’un air mécontent à cette proposition.

— Je ne puis faire cela, seigneurie, dit-il, sur mon salut éternel, cela m’est impossible.

— Ah ! ah ! très bien ! reprit le jeune homme, j’avais oublié de vous dire quelque chose.

— Quoi donc, seigneurie ? répondit le lepero assez inquiet de la tournure que prenait l’entretien.

— Simplement ceci : que si vous n’acceptez pas mes propositions, je vous fais immédiatement sauter la cervelle.

El Zapote considéra un instant son interlocuteur avec la plus sérieuse attention ; il reconnut, avec ce flair que possèdent les bandits, que l’heure de plaisanter était passée et que la conversation menaçait de tourner au tragique.

— Laissez-moi au moins m’expliquer, seigneurie, dit-il.

— Faites, je ne demande pas mieux ; je ne suis pas pressé, répondit froidement le jeune homme.

— Je ne puis pas vous conduire où s’est retiré le Chat-Tigre, c’est vrai, mais je puis vous indiquer l’endroit et vous dire son nom.

— C’est déjà quelque chose. Allons, il y a progrès. Je suis convaincu que nous finirons par nous entendre ; je suis désespéré d’être contraint d’en venir avec vous à des extrémités toujours désagréables.

— Malheureusement, seigneurie, je vous ai dit la vérité. Voici ce qui s’est passé : le Chat-Tigre, après sa fuite du présidio, avait réuni une vingtaine d’hommes résolus, au nombre desquels je me trouvais, qui, comprenant que d’ici à quelque temps le territoire de la confédération mexicaine serait trop brûlant pour eux, étaient déterminés à s’enfoncer dans le désert pour donner à l’orage le temps de se calmer. Les choses allèrent bien pendant quelque temps, mais au bout de trois semaines à peu près le Chat-Tigre changea soudain de direction, et, au lieu de continuer à parcourir l’apacheria, il nous conduisit du côté des abeilles et de la cascarilla.

— Il a fait cela ! s’écria le jeune homme avec un bond de surprise et d’épouvante.

— Oui, seigneurie ; vous comprenez que je me soucie fort peu d’aller jouer ma vie à pair ou non, dans des régions infestées de bêtes féroces et surtout de