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LES CHASSEURS D’ABEILLES

serpents dont la blessure est mortelle. Voyant que le Chat-Tigre était bien résolu à se réfugier dans ces régions affreuses, ma foi ! je vous l’avoue, seigneurie, la peur s’empara de moi et, au risque de mourir de faim dans le désert ou d’être scalpé par les Indiens, je suis tout doucement demeuré en arrière, et j’ai profité de la première occasion qui s’est présentée à moi pour fausser compagnie au Chat-Tigre.

Don Fernando fixa sur le bandit un regard qui semblait vouloir lire jusqu’au plus profond de son cœur, et que le lepero supporta sans sourciller.

— C’est bien ? dit-il, tu ne m’as pas menti, je le sais ; depuis combien de temps as-tu abandonné le Chat-Tigre ?

— Depuis quatre jours seulement, seigneurie. Comme je ne connais pas cette partie du désert, j’errais à l’aventure, lorsque j’ai eu le bonheur de vous rencontrer.

— Hum ! maintenant, quel est le nom de l’endroit où le Chat-Tigre voulait vous conduire ?

El Voladero de las Animas, répondit sans hésiter le lepero.

Une pâleur mortelle envahit soudainement le visage du jeune homme, à cette révélation à laquelle cependant il s’attendait presque, à cause du caractère cruel et implacable de l’homme qui l’avait élevé.

— Oh ! s’écria-t-il, la malheureuse est perdue, ce misérable l’a conduite dans un véritable repaire de serpents.

Un frisson de terreur fit tressaillir les assistants.

— Quel est donc cet endroit terrible ? demanda don Pedro avec inquiétude.

— Hélas ! répondit don Fernando, le Voladero de las Animas est un lieu maudit où les plus intrépides chasseurs d’abeilles et les cascarilleros les plus hardis ne se hasardent qu’en tremblant ; ce voladero est une montagne élevée qui surplombe à une grande distance sur des marécages infestés de cobras capels, de serpents corails et de serpents rubans dont la piqûre la plus légère donne, en moins de dix minutes, la mort à l’homme le plus robuste ; à dix lieues autour de cette redoutable montagne vivent des myriades de reptiles et d’insectes venimeux contre lesquels il est presque impossible de se défendre.

— Mon Dieu ! et c’est dans cet enfer que ce monstre a conduit ma fille ! s’écria don Pedro avec désespoir.

— Rassurez-vous, répondit le jeune homme, qui reconnut la nécessité de rendre quelque courage au pauvre père, le Chat-Tigre connaît trop bien ce lieu maudit pour s’y être hasardé sans avoir pris les précautions nécessaires ; les marécages seuls sont à redouter ; le Voladero, par sa position élevée et la raréfaction de l’air qu’on y respire, est à l’abri de ces animaux malfaisants, dont pas un seul ne rampe jusqu’à son sommet ; si votre fille, comme je l’espère, a atteint saine et sauve le Voladero, elle est en sûreté.

— Mais, hélas ! répondit don Pedro, comment traverser cette barrière infranchissable, comment parvenir jusqu’à ma fille, sans s’exposer à une mort certaine ?

Un sourire indéfinissable se dessina sur les lèvres du jeune homme.

— J’y parviendrai, moi, don Pedro, dit-ii d’une voix ferme et assurée : ne vous souvenez-vous donc plus que je suis le Cœur-de Pierre, le plus renommé