— Pardonnez-moi, señorita, répondit le jeune homme avec émotion, j’ignorais cette défense.
— Ciel ! s’écria la jeune fille, cette voix ! mon Dieu, est-ce un rêve ! Et, laissant tomber sa torche, elle se mit à courir vers le chasseur ; celui-ci, de son côté, se hâta de se rapprocher d’elle.
— Don Fernando ! s’écria-t-elle en le reconnaissant, don Fernando ici, dans cet horrible repaire ! Mon Dieu ! quel malheur me menace encore ! Oh ! n’ai-je donc pas assez souffert ?
La jeune fille, accablée par l’émotion, perdit connaissance et tomba évanouie entre les bras de don Fernando.
Celui-ci, désespéré de ce qui arrivait, et ne sachant comment rappeler la jeune fille à la vie, se hâta de la transporter à l’entrée de la grotte, dans l’espoir que l’air lui ferait du bien ; il l’assit doucement sur un amas de feuilles sèches, et se retira discrètement à quelques pas.
Don Fernando était un homme doué d’un courage qui allait jusqu’à la témérité ; vingt fois il avait en souriant regardé la mort en face ; pourtant, en apercevant la pâle silhouette de la jeune fille immobile et comme morte devant lui, il se sentit trembler de tous ses membres, une sueur froide perla à ses tempes et des larmes brûlantes, les premières qu’il eût versées, inondèrent son visage.
— Mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria-t-il avec un sanglot déchirant, je l’ai tuée !
— Qui parle ? répondit faiblement la jeune fille, que l’air qui s’engouffrait dans la grotte commençait peu à peu à ranimer, me suis-je trompée en croyant reconnaître don Fernando, est-ce réellement lui qui est là ?
Le chasseur s’approcha doucement de la jeune fille.
— Oui, c’est moi, c’est bien moi, Hermosa, répondit-il d’une voix brisée : revenez à vous, je vous en supplie, pardonnez-moi de vous avoir causé cette douloureuse émotion.
— Hélas ! dit-elle, je me réjouirais, au contraire, de vous savoir auprès de moi, don Fernando, si votre présence dans ce lieu maudit ne m’annonçait pas un nouveau malheur.
— Rassurez-vous, señorita, reprit-il, ma présence ici n’a rien qui doive vous effrayer, au contraire.
— Pourquoi chercher à me tromper, mon ami ? dit-elle avec un pâle sourire ; ne sais-je pas bien que vous êtes prisonnier de ce monstre à face humaine qui depuis si longtemps me tient captive ?
Elle s’était redressée ; un léger incarnat avait reparu sur son visage ; elle tendit au jeune homme sa main que celui-ci, toujours agenouillé, pressa tendrement dans les siennes et couvrit de baisers brûlants.
— Maintenant nous serons deux à souffrir, lui dit-elle avec un long regard.
— Ma chère Hermosa, reprit-il, vous ne souffrirez plus, vos malheurs sont finis, je vous le répète, vous serez heureuse, au contraire.
— Que voulez-vous dire, don Fernando ? je ne vous comprends pas, vous me parlez de bonheur dans ce lieu maudit, lorsque vous et moi nous sommes au pouvoir du Chat-Tigre !
— Non, señorita, vous n’êtes plus au pouvoir du Chat-Tigre, vous êtes libre.