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LES CHASSEURS D’ABEILLES

tinelle aztèque est devenue une verte colline. Vous savez sans doute que tous les teocalis sont creux ?

— En effet, répondit l’haciendero.

— C’est dans les entrailles de celui-ci que j’ai placé ma demeure ; mais nous voici arrivés, permettez-moi de vous servir d’introducteur.

En effet, les voyageurs arrivaient alors devant une espèce de portique grossier, construction cyclopéenne qui donnait entrée dans un souterrain où régnait une obscurité profonde qui empêchait d’en distinguer les dimensions.

Le Chat-Tigre se pencha en avant et siffla d’une façon particulière : immédiatement une éblouissante lumière jaillit de l’intérieur du souterrain et en illumina toute la profondeur.

— Venez, dit alors le partisan en précédant les voyageurs.

Sans hésiter don Pedro se prépara à le suivre après avoir fait à ses compagnons un geste pour les engager à renfermer dans leur cœur les craintes qu’ils pourraient éprouver.

Pendant quelques secondes l’inconnu se trouva pour ainsi dire seul avec l’haciendero ; il se pencha vivement vers lui, et d’une voix faible comme un souffle :

— Prudence ! murmura-t-il, vous entrez dans le repaire du Tigre.

Et il s’éloigna rapidement comme s’il craignait que le partisan ne s’aperçût du conseil que pour la dernière fois il donnait aux étrangers.

Mais, bon ou mauvais, cet avis venait trop tard, toute hésitation était une faute, car la fuite était impossible.

De toutes parts, comme par enchantement, sur chaque pointe de rochers apparaissaient les silhouettes sombres d’une foule d’individus qui avaient surgi autour de la caravane, sans qu’il fût possible de savoir comment, tant leur arrivée avait été silencieuse.

Les Mexicains entrèrent donc, bien qu’avec un secret serrement de cœur, dans l’antre terrible dont la bouche s’ouvrait béante devant eux.

Ce souterrain était vaste, les murs en étaient élevés.

Après avoir marché pendant environ dix minutes, les Mexicains atteignirent une espèce de rotonde au centre de laquelle un immense brasier était allumé ; quatre longs corridors coupaient cette rotonde à angles droits.

Le Chat-Tigre, toujours suivi par les voyageurs, s’engagea dans l’un d’eux.

Arrivé à une porte fermée par une claie en roseaux, il s’arrêta.

— Vous voici chez vous, dit-il, votre appartement se compose de deux pièces sans communication avec les autres parties du souterrain ; d’après mes ordres, vous aurez des rafraîchissements, du bois, pour faire du feu, et des torches d’ocote pour vous éclairer.

— Je vous remercie de ces attentions auxquelles j’étais loin de m’attendre, répondit don Pedro.

— Pourquoi donc cela ? Croyez-vous donc que, lorsque cela me convient, je ne sache pas pratiquer l’hospitalité mexicaine dans toute son étendue ?

— Oh !… fit l’haciendero avec un geste de dénégation.

— Bref, vous êtes mes hôtes pour cette nuit ; dormez en paix ; nul ne trou-