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Fray Antonio accepta avec reconnaissance la couverture si gracieusement offerte par le chef, et, sans chercher à prolonger la conversation, il s’enveloppa avec soin et s’étendit auprès du brasier, de façon à absorber le plus possible de calorique.

Cependant les paroles de l’Indien ne laissèrent pas que de causer une certaine inquiétude au moine.

— Hum ! murmura-t-il à part lui, voilà le revers de la médaille. Qu’est-ce que ce païen peut avoir à me dire ? Il ne me demandera probablement pas le baptême ! Avec cela qu’il se nomme, à ce qu’il paraît, le Renard-Bleu, joli nom de sauvage ! Enfin, Dieu ne m’abandonnera pas ; demain il fera jour. Dormons.

Et sur cette consolante réflexion, le moine ferma les yeux ; deux minutes plus tard il dormait comme s’il n’eût jamais dû se réveiller.

Le Renard-Bleu, car c’était effectivement entre les mains de ce chef que le moine était si inopinément tombé, resta accroupi devant le feu pendant la nuit tout entière, plongé dans de sérieuses réflexions et veillant, seul de tous ses compagnons, sur la sûreté commune ; parfois ses regards se fixaient avec une expression étrange sur le moine, qui dormait à poings fermés et qui était loin sans doute de se douter en ce moment que le guerrier apache s’occupait si obstinément de lui.

Au lever du soleil, le Renard-Bleu veillait encore ; il était demeuré pendant toute la nuit sans changer de position et sans que le sommeil vînt un instant allourdir ses paupières.