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LES FRANCS TIREURS.

exigences du monde, il se trouvait gêné et presque déplacé au milieu de vous ; mais peu d’hommes connaissent leur métier aussi bien que lui et sont aussi fermes et aussi intrépides dans le danger.

En ce moment une assez forte détonation fit trembler le navire dans ses membrures.

— Ah ! fit doña Mencia avec un cri d’effroi, qu’est-ce que cela signifie ?

— Moins que rien, señorita ; nous avons tout simplement arboré notre pavillon en l’assurant d’un coup de canon chargé à poudre, afin d’obliger le brick à montrer ses couleurs.

— Y aurait-il du danger à monter sur le pont ? demanda curieusement doña Mencia.

— Pas le moindre.

— Oh ! bien alors, si vous me le permettez, nous irons voir ce qui se passe en haut.

— Je suis à vos ordres, señorita.

Le déjeuner était terminé ; on quitta la table et on monta sur le gaillard d’arrière.

Le navire présentait aux yeux d’hommes ignorants des choses maritimes un aspect des plus singuliers et des plus attachants.

La brise assez forte arrondissait les voiles, orientées au plus près du vent ; la corvette bondissait sur la lame comme une gazelle, sans cependant embarquer une goutte d’eau par ses bossoirs.

Sur le pont, l’équipage se tenait silencieux et immobile sur les manœuvres, les canonniers aux pièces et les gabiers dans les hunes.

Sur le gaillard d’avant, Ramirez et ses seize canotiers étaient groupés près de la poulaine, indiffé-