Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/39

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nous, que nous avons écouté le récit des étranges péripéties de cette lutte de géants, et si nous n’avions pas été aussi certain de la véracité du narrateur, nous aurions non-seulement révoqué en doute, mais encore complétement nié la possibilité de certains faits, rigoureusement vrais cependant, et dont nous devons maintenant entretenir le lecteur.

Les rôdeurs de frontières avaient vu avec un cri d’horreur les deux hommes enlacés comme deux serpents rouler ensemble dans le précipice ; les lueurs de l’incendie, qui faute d’aliment commençait déjà à s’éteindre après avoir dévasté les crêtes des collines, jetaient par intervalles des reflets blafards sur cette scène à laquelle elles donnaient un aspect saisissant.

Le premier moment de stupeur passé, John Davis, maîtrisant avec peine l’émotion qui l’agitait, chercha à rendre à tous ces hommes atterrés par cette horrible catastrophe, sinon l’espoir du moins le courage.

John Davis jouissait, à juste titre, d’une grande réputation parmi les rôdeurs. Tous connaissaient l’amitié étroite qui liait l’Américain à leur chef ; dans plusieurs circonstances sérieuses il avait fait preuve d’un sang-froid et d’une intelligence qui lui avaient attiré la considération et le respect de ces hommes ; aussi répondirent-ils immédiatement à son appel en venant silencieusement se grouper autour de lui, car ils comprenaient instinctivement qu’entre eux tous un seul homme était digne de succéder au Jaguar et que cet homme était le Nord-Américain.

John Davis avait deviné les sentiments qui les agitaient, mais il n’en laissa rien paraître ; son visage était pâle, sa physionomie sombre ; il promena un