Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/40

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regard pensif sur tous ces hommes aux traits énergiques qui, appuyés sur leurs fusils, fixaient sur lui les yeux avec tristesse et semblaient tacitement reconnaître déjà l’autorité que probablement il allait se déléguer à soi-même.

Leur attente fut trompée, du moins provisoirement. Davis n’avait en ce moment nullement l’intention de se faire élire chef des rôdeurs de frontières, le sort de son malheureux ami l’absorbait seul, toute autre considération, disparaissait pour lui devant celle-là.

— Caballeros, dit-il d’une voix profondément sentie, un horrible malheur nous a frappés. Dans de telles circonstances, il nous faut faire appel à tout notre courage et toute notre résignation, les femmes pleurent, les hommes se vengent. La mort du Jaguar est non-seulement une perte immense pour nous, mais encore pour la cause que nous avons juré de défendre, et à laquelle il a déjà donné de si grandes preuves de dévouement. Mais avant de pleurer un chef si digne à tous égards des regrets qu’il laissera parmi nous, il est un devoir que nous avons à accomplir, devoir qui, si nous le négligions, serait plus tard pour nous un cuisant remords.

— Parlez ! parlez ! John Davis, nous sommes prêts à accomplir tout ce que vous nous ordonnerez ! s’écrièrent les rôdeurs d’une seule voix.

— Je vous remercie, reprit l’Américain, de l’élan avec lequel vous m’avez répondu ; je ne puis croire qu’une intelligence aussi vaste, qu’un cœur aussi noble que celui de notre bien-aimé chef se soit ainsi éteint. Dieu n’aura pas voulu, j’en suis convaincu, briser ainsi l’espoir d’une cause pour laquelle, de-