Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Une rougeur fébrile envahit tout à coup le visage du Jaguar.

— Écoutez, capitaine, si vous ne me connaissez que d’aujourd’hui, il y a longtemps que pour la première fois votre nom a résonné à mes oreilles.

L’officier fixa un regard interrogateur sur le jeune homme.

— Oui, oui, continua celui-ci avec une animation croissante, elle a toujours votre nom à la bouche, elle ne parle que de vous. Il y a quelques jours à peine… ; mais à quoi bon rappeler cela ? qu’il vous suffise de savoir que je l’aime à en perdre la raison.

— Carméla ! murmura le capitaine.

— Oui ! s’écria le Jaguar, vous aussi vous l’aimez.

— Je l’aime ! répondit simplement l’officier en baissant les yeux vers la terre avec embarras.

Il y eut un long silence entre les deux hommes. Il était facile de découvrir que chacun d’eux soutenait un combat intérieur ; enfin le Jaguar parvint à apaiser l’orage qui grondait dans son cœur, et il reprit d’une voix ferme :

— Merci de votre réponse loyale, capitaine ; en aimant Carméla vous usez de votre droit comme j’use du mien en l’aimant aussi ; que cet amour, au lieu de nous séparer, soit un lien plus fort entre nous. Carméla est digne de l’amour d’un galant homme. Aimons-la chacun de notre côté, faisons-nous une guerre franche, sans trahisons ni fourberies ; tant mieux pour celui qu’elle préférera. Elle seule doit être juge entre nous, laissons-lui suivre son cœur, elle est trop pure et trop sage pour se tromper et faire un mauvais choix.