Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/71

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naire, rara avis ; je crois que depuis la proclamation de l’indépendance on n’a pas vu un même président gouverner seul la confédération pendant six mois consécutifs.

Il est résulté de cet état de choses que l’armée est tombée dans un discrédit extrême, et autant le métier des armes était honorable à l’époque de la lutte contre les Espagnols, autant aujourd’hui il l’est peu. L’armée est donc contrainte de se recruter dans les classes les plus basses de la société, c’est-à-dire les bandits, les leperos et même les misérables condamnés pour vol ou assassinat.

Tous ces hommes, arrivés à certains grades, ne font que changer de costume, tout en conservant dans le nouveau rang où le hasard les place, leurs vices et leurs habitudes de bas étage ; aussi les jeunes gens de bonne famille ne prennent-ils que difficilement l’épaulette et dédaignent-ils d’adopter un métier si peu en honneur dans l’esprit des gens du monde.

Dans un corps aussi mal organisé, où la discipline n’existe pas et où l’instruction militaire est nulle, l’esprit de corps doit être inconnu, c’est ce qui arrive. Pourtant cette armée a été bonne, elle compte une foule de magnifiques faits d’armes dans ses états de service ; ses soldats et ses officiers ont fait preuve de bravoure dans les phases critiques de la guerre de l’indépendance.

Mais aujourd’hui tout est mort, le sentiment du devoir est méprisé, et le point d’honneur, ce stimulant si fort pour le soldat, foulé aux pieds. Le duel, ce mal nécessaire jusqu’à un certain point pour faire respecter à un militaire l’habit qu’il porte, est dé-