Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/89

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— Vive Dieu ? mon enfant, tu souffres et tu ne me le dis pas, serais-tu malade ? s’écria-t-il avec inquiétude, mais aussi quelle imprudence à toi, de courir ainsi le désert pendant la nuit.

— Vous vous trompez, père, répondit-elle avec un pâle sourire, je ne suis pas malade, ce n’est pas cela.

— Qu’est-ce donc alors ?

— Je ne sais pas, mais mon cœur se serre, j’ai la poitrine oppressée. Oh ! je suis bien malheureuse !

Et cachant sa tête dans ses mains elle fondit en larmes.

Tranquille la considéra un instant avec un étonnement mêlé d’effroi.

— Malheureuse, toi ! s’écria-t-il enfin en se frappant le front avec colère, oh ! que lui a-t-on donc fait, mon Dieu, pour qu’elle pleure ainsi !

Il y eut un silence de quelques minutes. Lorsque l’entretien avait semblé prendre une tournure confidentielle, le Cœur-Loyal et Lanzi s’étaient levés sans affectation et s’étaient éloignés au milieu des fourrés où ils n’avaient pas tardé à disparaître. Tranquille et la jeune fille étaient donc seuls.

Le chasseur était en proie à une de ces rages froides d’autant plus terribles qu’elles sont concentrées ; adorant la jeune fille, il se figurait dans sa naïve ignorance que c’était lui qui, sans s’en douter, par sa grossièreté et la trivialité de ses manières à son égard, la rendait malheureuse, et il s’accusait intérieurement de ne pas avoir su lui faire la vie calme et douce qu’il avait rêvée pour elle.

— Pardonne-moi, mon enfant, lui dit-il avec émotion, pardonne-moi d’être involontairement