Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/94

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le ciel d’un bleu sombre, la lune déversait sur la terre sa lueur argentée qui imprimait aux objets une apparence fantastique. L’atmosphère était d’une pureté et d’une transparence telles qu’à une grande distance par les éclaircis des ravins le regard distinguait comme en plein jour les accidents du paysage.

Plusieurs heures s’écoulèrent ainsi, sans qu’aucun des trois hommes, séduit par la splendeur de la nuit, songeât à prendre un repos qui, cependant, lui était nécessaire après les fatigues de la journée.

— Qui veillera ce soir ? demanda enfin Lanzi, en repassant le tuyau de sa pipe dans sa ceinture, nous sommes entourés de gens avec lesquels il est bon de prendre ses précautions.

— C’est juste, observa le Cœur-Loyal, dormez, moi je veillerai pour tous.

— Un instant, dit le Canadien, si le sommeil ne vous accable pas trop, Lanzi, vous, le Cœur-Loyal et moi, nous profiterons de l’absence de Carméla pour tenir conseil. La situation, dans laquelle nous sommes, est intolérable pour une jeune fille, il nous faut absolument prendre un parti, malheureusement je ne sais que faire, vos lumières réunies ne seront pas, je le crains, de trop pour m’aider à sortir d’embarras.

— À vos ordres, Tranquille, répondit Lanzi, tenons conseil, j’en serai quitte pour dormir plus vite.

— Parlez, mon ami, dit le Cœur-Loyal.

Le chasseur se recueillit un instant, puis il reprit :

— La vie est rude au désert, pour les natures délicates ; nous autres hommes, rompus à la fatigue et endurcis aux privations, non-seulement nous la sup-