Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/135

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Cette femme, très dévouée et d’une honnêteté à toute épreuve, était affectée d’une intempérance de langue si redoutable, que toutes ses autres qualités — et elles étaient nombreuses — en étaient ternies.

Ce défaut, devenu chez elle une véritable maladie, lui avait valu le sobriquet caractéristique de Picahandia c’est-à-dire la Grande Pie, sobriquet qui avait fini par remplacer complètement son nom véritable, et auquel elle répondait elle-même sans se formaliser.

— Voici bien longtemps que nous n’avons pas dîné à notre heure réglementaire, dit le jeune homme en souriant.

— C’est vrai ; mais aujourd’hui, dès sept heures du soir, mes malades m’ont donné congé.

— Mais il me semble que vous aviez un malade auquel vous faisiez chaque soir une visite à huit heures ?

— C’est encore vrai, garçon ; mais ce malade, convalescent depuis quinze jours, je l’ai, ce matin, trouvé tout à fait guéri et en train de faire ses malles.

— Il part ?

— Il est parti.

— Alors bon voyage ; où va-t-il ?

— À Paris. Il m’a même demandé quelques lettres d’introduction, que je lui ai données. Tu comprends, un enfant du pays, appartenant à l’une de nos vieilles familles ; il m’était difficile de le refuser.

— Dieu me garde de vous blâmer, mon père ; ce que vous faites est toujours bien.

— À propos, tu dois le connaître, ce garçon, ne serait-ce que de nom ? C’est un beau gaillard, de vingt-quatre à vingt-cinq ans, fort riche, dit-on, et qui, si j’en crois la chronique scandaleuse, fait un peu beaucoup la cour à toutes les belles filles du pays. Je soupçonne même que c’est à la suite…

— Comment le nommez-vous donc, mon père ?

— C’est vrai, je ne t’ai pas dit son nom. C’est le fils du vieux Feliciano de Oyandi.