Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/16

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leil était couché depuis longtemps déjà et que le froid, très piquant pendant la journée, devenait de plus en plus vif au fur et à mesure que la nuit tombait.

Au moment où nous mettons nos deux personnages en scène, le père parlait :

— Ainsi, Julian, disait-il en souriant, tu t’es bien diverti là-bas, à Serres ?

— Oui, père, répondit le jeune homme sur le même ton ; j’ai été admirablement reçu par tous mes anciens camarades et amis d’enfance, et par leurs familles ; on m’a surtout su un gré infini d’avoir repris notre cher costume national ; c’était à qui me féliciterait.

— Pauvre enfant, tu n’es revenu de Paris que depuis une quinzaine de jours, tu vois encore tout en beau, je le comprends, l’air du pays t’a fait momentanément oublier les amis que tu as laissés là-bas, bientôt l’ennui viendra.

— Ne croyez pas cela, père ; je n’ai laissé à Paris personne que je regrette. Grâce à Dieu, j’ai passé ma thèse ; je n’ai plus rien à faire dans la capitale, dont le bruit et le mouvement m’ont si longtemps assourdi et fatigué. Je suis montagnard, moi, j’ai besoin d’air ; j’étouffais au milieu de ses maisons si hautes ; mon seul désir est de rester près de vous, de suivre les leçons de votre expérience et de devenir comme vous un homme utile et un grand médecin.

— Je sais que tu penses ce que tu dis, et je t’en remercie, fils, mais je crains que la vie monotone à laquelle tu seras astreint dans ce pays perdu…

— Allons donc, père ! s’écria le jeune homme en riant, que parlez-vous de vie monotone ? Mon existence ici sera très occupée, au contraire ; je vous accompagnerai partout dans vos courses ; nous ne sommes plus que vous et moi, père, depuis que ma mère, en me donnant le jour, est remontée au ciel ; aimons-nous bien ! car à nous deux nous formons toute notre famille ! Je prévois que cette vie, que vous me faites d’avance si triste, sera au contraire charmante ; d’ailleurs, je vous le répète, je hais le