Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/162

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— Oh ! mon Julian, lui dit-elle, avec une navrante tristesse, j’ai bien souffert depuis hier ! je souffre encore beaucoup en ce moment ! je craignais de ne plus te revoir ; mais, grâce à Dieu, tu es là, près de moi, j’ai ma main dans la tienne, je me sens mieux, je suis heureuse, bien heureuse !

— Pourquoi craignais-tu de ne plus me revoir, ma chérie ? lui demanda tendrement le jeune homme. Ne sais-tu pas que je t’aime, que je t’aimerai toujours ?

— Si, je le sais, je le sens à mon cœur.

— Alors, pourquoi ce doute, Denisà ? tu ne m’y avais pas habitué.

Elle baissa les yeux et détourna la tête sans répondre.

— Tu ne dis rien ? Tu me supposes donc capable de t’abandonner ?

— Non ! oh non ! s’écria-t-elle avec âme ; mais malgré toi, peut-être, tu aurais été obligé de…

— Me séparer de toi, ma fiancée ? Oh ! jamais Denisà, jamais ! Tu as mon serment comme j’ai le tien ; je te le jure, la mort seule sera assez puissante pour nous séparer ! et encore ! s’écria-t-il avec exaltation.

— Aussi serais-je morte, mon bien-aimé, si, en entrant dans cette chambre, je ne t’avais pas vu et si j’avais appris ton départ, dit-elle avec un doux et navrant sourire.

Ces simples et terribles paroles furent prononcées avec un tel accent de conviction que les trois hommes frissonnèrent.

— Voyons, chère fille, dit le docteur en touchant de ses lèvres le front de Denisà, cette exaltation n’est pas naturelle, jamais je ne vous ai vue si nerveuse et si tremblante ; il faut qu’il se soit passé quelque chose d’affreux que nous ignorons, que votre cœur ait reçu une secousse bien terrible pour que vous soyez ainsi bouleversée. Que vous est-il arrivé ? Soyez franche, pauvre enfant, ne nous cachez rien. Vous savez combien vous nous êtes chère ; nous n’avons qu’un désir, rendre le calme à votre esprit, vous tranquilliser enfin.

— Oui, Denisà, ma chère bien-aimée, ma fiancée, dis-