Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/178

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Aussi, dès que cette auberge fut trouvée et qu’ils se furent couchés, oubliant tous soucis, leurs yeux se fermèrent et ils s’endormirent d’un profond sommeil presque léthargique.

Ce qui ne les empêcha pas de s’éveiller de bonne heure, et de faire aussitôt leurs préparatifs de départ.

Mais comme ils ne voulaient pas se mettre en route le ventre vide, ce qui est toujours une grave imprudence lorsque l’on voyage, ils descendirent dans la salle commune de l’auberge.

À leur grand étonnement, les deux jeunes gens virent cette salle remplie de monde, menant fort grand bruit.

Les gens du village allaient, venaient, sortaient, rentraient.

C’était un va-et-vient perpétuel d’individus s’appelant, se cherchant les uns les autres, vidant de grands verres de vin sur le comptoir, et remplissant des gourdes recouvertes en osier, qu’ils portaient pendues en bandoulières.

Mais ce qui étonna surtout Julian, ce fut de voir que tous ces hommes avaient des sacs sur le dos et des fusils, des faux et des fourches à la main : armes qu’en pérorant avec une véhémence extrême, ils agitaient et brandissaient d’un air de menace.

Julian fit signe à Bernardo de le suivre.

Tous les deux se retirèrent sans être remarqués, et remontèrent dans leur chambre, qu’ils fermèrent.

— Que penses-tu de tout ce remue-ménage, mon Bernardo ? demanda Julian en langue basque à son ami.

— Moi, répondit le montagnard, je ne sais que penser. Je n’y comprend rien du tout.

— Tout cela est étrange ! murmura le jeune homme.

— On dirait une révolution.

— Ou peut-être une insurrection.

— Après tout, c’est peut-être tout simplement une battue aux loups, dit Bernardo ; avec un froid comme celui-ci, ces animaux doivent être enragés de faim ; ils seront descendus des montagnes ou sortis des hautes futaies pour chercher à manger dans les villages.