Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/184

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chef de l’État lui-même, voilà où nous en sommes. Maintenant que comptez-vous faire ?

— Eh ! le sais-je. Je suis loin de chez moi. Étranger à ce pays, tout est danger pour moi et pour mon ami.

— Le plus sûr serait peut-être de retourner sur vos pas ; mais qui sait s’il n’est pas trop tard, et si la route n’est pas déjà fermée derrière vous ; car toutes les populations se lèvent, la protestation est générale ; tenez, messieurs, vous êtes jeunes, vous m’intéressez, je voudrais vous venir en aide, ne fût-ce que par un conseil ; vous devriez partir au plus vite. Tournez Z… sans y entrer, et gagnez V… par la traverse ; dans cette ville, m’avez-vous dit, vous avez des parents, ils vous protégeront et vous défendront au besoin.

— Oui, vous avez raison ; nous n’avons pas d’autre parti à prendre, que Dieu nous aide !

— Aidez-vous vous-mêmes, messieurs ; c’est le plus sûr ; croyez-moi, et surtout évitez les mauvaises rencontres. Plus tôt vous partirez, mieux cela vaudra pour vous. Dans trois heures, avec vos chevaux qui sont bons, vous pouvez être à V…

— Allons, partons donc !

Les jeunes gens bouclèrent leurs valises, sellèrent leurs chevaux, réglèrent leur compte, et se mirent en route, non sans un horrible serrement de cœur, après avoir remercié chaleureusement le vieillard.

Cependant, peu à peu, l’impression que Julian et son ami avaient éprouvée au récit du vieux soldat ne tarda pas à disparaître ; l’insouciance de leur âge reprit le dessus. Ils rirent de leur terreur.

Leur voyage était terminé, puisque dans trois heures au plus ils arrivaient à V…

Après tout, que pouvait-on leur faire ? Qu’avaient-ils à redouter ?

Inconnus aux deux partis, voyageant paisiblement pour leurs affaires particulières, personne ne chercherait à les inquiéter. Quels dangers pouvaient-ils courir en plein jour sur une route nationale ?