Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/225

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— Oui, je vous le demande.

— Dame, pour ne pas être tué par eux. Chacun sait que les ours gris, les jaguars et les loups rouges sont des bêtes féroces. L’ours gris surtout, qui attaque les caravanes aussi bien que les voyageurs isolés, commet d’énormes dégâts et cause de grands malheurs pour le seul plaisir de faire le mal.

— Tout cela est vrai. Ces animaux sont poussés au mal par leur instinct sanguinaire. Vous n’aviez aucune haine contre ces fauves que vous avez tués ainsi ?

— Je les tuais parce que je savais rendre un service à mes confrères ; j’agissais dans l’intérêt général, et je me disais : Plus j’en tuerai, moins il en restera, et plus la sécurité sera grande.

— Eh bien ! c’est précisément pour cela que je veux essayer de délivrer cette contrée de ce bandit qui, depuis trop longtemps, la désole. Je n’ai aucune haine particulière contre lui, et pourtant je le tuerai, dans l’intérêt général. Me comprenez-vous, maintenant ?

— Très bien. Mais vous vous donnez là une rude tâche.

— Bah ! nous en avons vu bien d’autres ! fit Main-de-Fer en riant et vidant son verre. Puisque vous connaissez le Mayor, faites-nous donc un peu son portrait, afin que le cas échéant d’une rencontre nous puissions le reconnaître.

— Je le veux bien, si vous le désirez.

— Oui, allez, dit Cœur-Sombre.

— Il nous importe de savoir quel homme est ce mystérieux personnage, qu’un jour ou l’autre nous rencontrerons indubitablement.

— Le Mayor, le Bizco ou le Bisojo, car on lui donne tous ces noms, est un homme auquel il serait bien difficile d’assigner un âge certain, à cause de la mobilité singulière de sa physionomie et du soin qu’il prend de sa personne ; il se soigne et se bichonne comme une petite maîtresse de Québec ou de New-York. Quand il est calme, reposé, que rien ne le préoccupe, il paraît à peine trente-cinq ans ; mais quand il est sous le coup d’une émotion