Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/227

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main était glacée, humide et visqueuse comme la peau d’un serpent.

— Pardieu ! s’écria Main-de-Fer en riant, c’est en personne le portrait du diable, que vous nous avez fait là !

— N’est-ce pas ? dit naïvement le Canadien.

— Ma foi, oui, répondit l’aventurier ; il m’en est resté une odeur insupportable de souffre et de bitume dans la gorge.

Et, sans doute pour faire disparaître cette odeur, il avala d’un trait un grand verre de rhum.

— Ainsi, reprit Cœur-Sombre, vous dites que cet homme rôde aux environs ?

— Il ne doit pas être bien loin, du côté de la passée du Sud, où sans doute il se sera embusqué pour guetter une nombreuse caravane d’Allemands qui, dit-on, se rendent en Californie.

En ce moment deux chiens, jusqu’alors invisibles, révélèrent leur présence dans la salle par un sourd grondement.

Ils sortirent de derrière le comptoir où ils étaient sans doute couchés, et allèrent à pas lents souffler sous la porte d’entrée.

Ces chiens étaient de nobles bêtes, hauts comme des ânes, d’apparence très vigoureuse et d’aspect féroce.

Ils étaient croisés de terre-neuve et de loup des prairies.

Ils avaient le poil long et frisé, les oreilles tombantes, la queue en panache ; ils étaient noirs, marqués de larges taches blanches et fauves.

Leurs yeux sanglants et brillant comme des charbons ardents, leurs larges mâchoires armées de dents blanches, longues et aiguës en faisaient de formidables défenseurs ; ils devaient étrangler un loup d’un coup de gueule, et ne pas craindre de se mesurer même avec un ours gris.

Ces deux redoutables animaux, âgés de quatre ans à peine, frère et sœur ; jouissaient d’une grande réputation parmi les chasseurs et les aventuriers de ce côté des Rocheuses.