Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/247

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plus grands scélérats ont conçu jusqu’à ce jour. On vous conduira en plein désert, les yeux bandés, afin que vous ne puissiez retrouver votre route. Là, vous serez abandonné, sans armes, sans vivres et sans moyen d’allumer du feu, seul face à face avec vous-même.

— Oh ! s’écria-t-il avec désespoir, par grâce, tuez-moi plutôt que de me condamner à cet horrible supplice !

— Je vous laisse une chance ; Dieu, s’il le veut, peut vous sauver, rentrez en vous-même, implorez-le.

— Vous êtes sans pitié, soit ! dit le bandit en grinçant des dents ; mais si je m’échappe, prenez garde, ajouta-t-il avec une expression terrible.

— Je méprise vos menaces, senor ; elles ne sauraient ni m’effrayer ni m’émouvoir ; je vous répète que je ne vous crains pas.

Et s’adressant à son compagnon :

— Va, Main de-Fer, lui dit-il.

Après avoir été minutieusement fouillé, le Mayor fut de nouveau solidement garrotté ; on lui enveloppa la tête dans un zarapé ; puis le chasseur l’attacha solidement sur la croupe de son cheval et partit au galop.

Cœur-Sombre et Calaveras étaient demeurés seuls dans la salle.

L’alcade et sa famille, sur les instances du chasseur, s’étaient retirés pour prendre quelques heures d’un repos bien nécessaire, après les fatigues et les mauvais traitements qu’ils avaient subis depuis deux jours.

— Prétendez-vous me garder longtemps lié ainsi comme un veau ? demanda Calaveras avec une impudente ironie.

Le chasseur le regarda un instant avec un indicible dégoût.

— Êtes-vous un homme ! lui dit-il. Non, vous êtes un monstre cent fois plus méprisable que le Mayor lui-même. Au moins lui, il est franchement brigand ; vous, attaché à l’armée française, portant un grade honorable dans l’intendance, vous avez abusé des saintes lois de l’hospitalité pour livrer vos hôtes à un bandit, les torturer et les tuer