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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/26

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En ce moment le matelot rentra.

— Amarre et attache solidement, dit l’inconnu d’un accent glacé.

Le matelot obéit sans montrer la moindre émotion.

Ou cet homme au cœur de bronze était une brute, ou c’était un séide fanatique.

— Maintenant, emporte, reprit l’inconnu.

Le matelot chargea la malheureuse femme sur son épaule, aussi facilement qu’il eût fait d’un enfant.

Les deux hommes quittèrent alors la salle et se rendirent à la fosse, creusée d’avance par le pauvre diable si odieusement récompensé, quelques minutes auparavant, de sa complicité. L’inconnu marchait en avant, la lanterne à la main.

Un grand trou noir et béant apparaissait comme un gouffre ouvert au milieu de la pelouse.

L’inconnu approcha la lanterne :

— Jette, elle sera bien là, dit-il avec un sourire cynique.

Sébastian, d’un mouvement d’épaule, fit tomber le corps qui rendit un son mat, en touchant le cadavre de l’homme précédemment étranglé.

Le matelot prit une pelle et combla la fosse.

— Est-ce fait ? demanda l’inconnu.

— C’est fait ; faut-il une croix ? répondit le matelot, de sa voix morne et sans intonation.

— Pourquoi faire ? répondit l’inconnu, en haussant les épaules : imbécile, veux-tu donc marquer la place ?

— C’est vrai, ce n’est pas la peine, je veux piétiner un peu la terre.

— À quoi bon ? elle est bien garrottée ; d’ailleurs, personne ne viendra, et puis, le temps nous presse, tu sais que cette nuit, à deux heures au plus tard, il nous faut rallier le navire, qui nous attend au large.

— C’est juste, fit le matelot avec conviction, il est surtout important que personne ne se doute que vous êtes venu en France pendant quelques heures.