Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/31

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Le premier soin du docteur fut de débarrasser la malade d’une partie de ses vêtements, et de l’étendre dans un lit moëlleux et convenablement chauffé, puis il appela son fils et tous deux commencèrent une énergique médication ; mais, pendant près d’une heure, leurs efforts parurent inutiles, la léthargie semblait vouloir persévérer. Les deux hommes, loin de se laisser décourager par cet apparent insuccès, continuèrent leur médication ; enfin, après une demi-heure d’une lutte acharnée, la science triompha, la malade fit un mouvement, ses yeux s’entr’ouvrirent, et d’une voix faible comme un souffle, elle murmura, en essayant de s’asseoir dans le lit, cette phrase en langue basque :

Bicia salbat cen naûsu. — Vous me sauvez la vie.

Eghia da — c’est vrai — répondit en souriant le docteur, dans la même langue.

Mais bientôt, avec la connaissance, la mémoire revint à la jeune femme ; tout son corps frémit sous le poids de ses souvenirs.

— Oh ! mon Dieu ! s’écria-t-elle en serrant ses tempes entre ses mains, quel affreux cauchemar ! où suis-je ? est-ce un rêve ? Oh ! pitié, monsieur, pitié !

— Rassurez-vous, madame, dit le docteur avec bonté, en adoptant la langue française dont, cette fois, la jeune femme s’était servie ; rassurez-vous, nous sommes vos respectueux serviteurs ; vous êtes bien éveillée et n’avez plus rien à redouter ; vous êtes en sûreté dans cette maison.

— Ainsi, je n’ai pas rêvé ? tout est vrai ? cette horrible scène a eu lieu ? Cet homme, mon mari, ce tigre m’a fait boire un narcotique ?

— Hélas ! oui, madame ; tout est vrai, tout s’est passé comme vous le dites.

— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! fit-elle avec douleur ; ainsi, je me suis endormie ?

— Oui, madame.

— Et après, que s’est-il passé ?

Le docteur hésita.