Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/354

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ment en face de l’église de la Merced ; ses jardins, fort beaux, dessinés à l’ancienne mode espagnole, s’étendaient très loin, et débouchaient hors de la ville, en pleine forêt vierge.

— Mais, s’écria la comtesse, c’est cela même ; c’est ainsi que ma chère Vanda m’a décrit la maison de sa mère.

— Je le crois, madame, ce doit être cela, en effet.

— Continuez, continuez, je vous prie.

— J’habitais, moi, pendant mes rares visites à Santa-Fé, une maison située de l’autre côté de la place, et appartenant à une veuve, qui me la louait pour dix piastres par an. Lorsque j’arrivais, la bonne femme se réfugiait dans un pavillon au fond de son jardin, et me laissait la jouissance de tout le reste. La brave dame avait un péché mignon : elle était très bavarde et aimait surtout parler de ses voisins ; et presque toujours en mal, je dois lui rendre cette justice.

— Vous êtes méchant pour les pauvres femmes, dit la comtesse en riant.

— Moi, madame ? Dieu m’en garde ! Je suis trop leur admirateur pour cela ; je dis la vérité, voilà tout.

— Bon, bon ! je sais qu’en penser… Continuez !

— Sans que j’eusse besoin de l’interroger, la brave femme me conta tout ce qu’elle savait sur les habitants de la grande maison. Voici le résumé de ce qu’elle me dit : Quelques années auparavant, un cavalier et une dame, suivis de quatre domestiques mâles et femelles, étaient arrivés à Santa-Fé. Le mari avait acheté, le jour même, cette maison, qui, depuis plusieurs années, était en vente, et l’avait payée comptant, au nom de don José Moralès. Il s’était installé dans la maison puis, trois jours plus tard, il était parti, laissant sa femme seule. Cette femme était toute jeune alors ; elle avait quinze ans à peine et était d’une beauté remarquable. Elle se nommait dona Luz Alacuesta.

— Vous venez de dire Moralès ?

— Pardon, madame ; en Espagne, ce n’est pas comme