Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/420

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Cette lettre bouleversa complètement la vie jusque-là si paisible.

Denizà n’osait espérer.

Tant de fois son espoir avait été déçu qu’elle tremblait.

Le départ de son bienfaiteur, de son père, l’effrayait et l’inquiétait à la fois ; elle ne savait si elle devait se réjouir ou s’attrister de tous ces changements.

La pauvre enfant ressemblait assez aux masques antiques qui pleuraient d’un côté et riaient de l’autre.

Mariette était franchement joyeuse.

L’espoir de voyager en compagnie de Denizà, qu’elle aimait tant, la ravissait.

Le seul que tout cela chagrinait, c’était Moucharaby, l’ordonnance du docteur.

Le brave homme était lugubre.

Le docteur lui avait nettement déclaré qu’il ne ferait pas la campagne avec lui ; qu’il lui confiait Denizà sur laquelle il veillerait en son absence et qu’il protégerait envers et contre tous.

L’amour-propre de l’ancien chasseur d’Afrique fut doucement chatouillé, à la vérité, par cette haute preuve de confiance ; mais il lui semblait dur de rester à la maison comme un éclopé, pendant que son major ferait campagne, et quelle campagne au Mexique, dans un pays inconnu, peuplé d’Indiens féroces et sauvages.

Le pauvre homme était désolé de manquer cette admirable occasion de se faire casser les reins.

Mais le docteur lui rendit presque toute sa gaieté, en lui annonçant en confidence que, dans quelques mois, sa fille adoptive le rejoindrait au Mexique, que c’était lui qui l’accompagnerait et qui la protégerait pendant ce long voyage.

Rien ne l’empêcherait plus, dès qu’il l’aurait rejoint, de terminer la campagne avec lui.

Moucharaby, déjà plus qu’à demi consolé, ne souleva plus d’objections.