Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/435

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Ce toast était une prophétie.

Mais que de larmes, que de sang, de honte et de douleurs nous a coûtés son accomplissement.

Les Mexicains, que nous considérions alors presque comme des sauvages, prévoyaient déjà ce qui, quelques années plus tard, devait arriver.

Ils se montraient plus clairvoyants que nous ne l’étions nous-mêmes.

Le toast proposé eut un grand succès.

Puis la conversation fit un crochet, et l’on parla d’autre chose.

Don Cristoval fit apporter le café, les liqueurs, les cigares et les cigarettes.

Hommes et femmes, tout le monde fume au Mexique.

Généralement, les dames préfèrent les cigares, et les hommes les cigarettes.

Pourquoi ?

Je l’ignore, mais cela est ainsi et je le constate.

Cette coutume étonna fort Denizà.

Quant à la comtesse, elle fuma bravement deux ou trois minces papelitos sans se faire prier.

Ce qui enchanta les Mexicains et lui conquit tous leurs suffrages.

Le chapelain, gros moine pansu à la face rubiconde, fumait sans désemparer et buvait force champagne sans plus songer à dire les grâces.

Un peu plus, il aurait probablement proposé de tailler un monté, ce jeu si cher aux Mexicains, nous ne dirons pas de toutes les classes, les différences sociales n’existent pas au Mexique, mais nous dirons riches ou pauvres, parce que la seule ligne de démarcation qui existe en ce pays est celle produite par l’argent : le pauvre d’aujourd’hui pouvant être riche demain, et vice versa.

Vers neuf heures du soir, le mayordomo entra et dit quelques mots à voix basse à l’haciendero.

Celui-ci parut d’abord étonné, mais se remettant aussitôt :