Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/439

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Dès qu’ils se présentèrent à la porte, la herse fut levée et ils furent introduits.

Le mayordomo prévint aussitôt l’haciendero, qui se hâta de se rendre auprès des chasseurs.

Mais sur leur refus d’accepter des rafraîchissements, il les conduisit au salon rose dans lequel il les laissa pour se rendre auprès de’a comtesse, avec laquelle Cœur-Sombre avait demandé à s’entretenir d’une affaire importante.

Cœur-Sombre était en proie à une vive agitation.

Il marchait, de long en large, d’un pas saccadé.

Il était pâle et semblait inquiet.

Main-de-Fer lui demanda s’il se sentait indisposé.

— Non, répondit-il d’une voix sourde ; mais je ne sais ce que j’éprouve depuis que nous avons pénétré dans cette demeure ; j’ai le cœur serré, mes idées se troublent. Je ne suis plus maître de moi ; il me semble que je touche à un des moments décisifs de mon existence, et que de l’entretien que je vais avoir avec la comtesse dépend tout mon avenir.

— Je ne t’ai jamais vu ainsi, mon ami ; tu m’inquiètes réellement, répondit son compagnon. Qui peut te causer une émotion si violente ?

— Je l’ignore, répondit il, c’est un pressentiment, qui m avertit : les pressentiments ne s’expliquent pas ; ils sont indépendants de notre volonté. C’est plus fort que moi ; je me sens presque faible. Je n’ai qu’une seule fois dans ma vie éprouvé pareille défaillance. C’est la nuit où, à la veillée, j’ai demandé à Denizà si elle consentait à m’accepter pour fiancé. Oh ! s’écria-t-il avec une poignante douleur : que fais-tu ? Où es-tu maintenant, ma Denisà chérie ?

— Près de toi, mon fiancé, mon cher Julian ! s’écria une voix mélodieuse, avec un accent de tendresse indicible.

La porte du salon s’était ouverte doucement, et une ravissante apparition se tenait, les bras tendus en avant, sur le seuil.