Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/448

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nous vivrons et vieillirons côte à côte, nous aurons pour nous consoler l’estime de nous-mêmes et la conscience de ne pas avoir transigé avec notre devoir !

— Oh ! s’écria Julian le visage rayonnant de joie et la serrant dans ses bras avec une énergie fébrile. Oh ! je te reconnais bien là, toi, ma femme adorée ! Merci, Denizà ! Merci, ma chérie ! Je suis tien comme tu es mienne : rien désormais ne pourra nous séparer ! Nous vivrons libres au désert, sous le regard de Dieu, et qui sait ? peut-être plus tôt que nous ne le croyons nous-mêmes, le pouvoir tyrannique qui nous a proscrits retombera-t-il noyé dans la boue sanglante dont il est sorti, et rentrerons-nous, fiers et heureux, dans cette patrie si chère dont nous avons été si odieusement bannis !

Et, enlacés dans les bras l’un de l’autre, ils confondirent leurs larmes

Larmes de joie, car leur cœur battait à l’unisson et leurs sentiments étaient les mêmes !

— Nous serons trois, dit simplement Bernardo en serrant la main de Julian.

— Merci ami, j’accepte, répondit Julian en lui rendant sa chaleureuse étreinte.

— Je savais qu’il en serait ainsi, s’écria le docteur d’un air désolé. Mais les choses ne se passeront pas de cette façon ; je ne le veux point. Écoute-moi, Julian.

— Parlez, mon père, Denizà et moi nous vous écoutons avec la plus sérieuse attention.

— C’est bien, répondit le docteur. Écoute donc ; tu es mon fils, ton honneur est le mien, tu le sais.

— Je le sais, oui, mon père.

— Je ne consentirai jamais à transiger avec cet honneur qui m’est plus précieux que la vie ; mais il ne faut pas jouer le bonheur de son existence tout entière sur un coup de dé… tu ne veux pas faire cet acte de soumission au gouvernement auquel tu dois tous les malheurs immérités qui ont fondu sur toi ; mais les situations que l’on ne peut trancher, on les tourne.

— Mon père…