Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/54

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l’issue de ce duel terrible contre un tel adversaire pour le jeune homme, mais celui-ci ne semblait nullement se préoccuper de cette énorme différence de force ; il souriait.

Julian, disons-le tout de suite, ne comptait d’aucune façon sur sa vigueur ; il se reconnaissait de beaucoup inférieur à son adversaire de ce côté-là ; il comptait seulement sur son adresse et son agilité.

Pendant son long séjour à Paris, il avait pris des leçons de Leboucher et de Lacour, les héros de la canne et de la boxe-savate ; il passait pour être un de leurs meilleurs élèves, de même que Gâtechair le reconnaissait presque comme son égal à l’épée.

Grâce à ces sciences si utiles, quand on est contraint de lutter contre des brutes qui ne comprennent que la force matérielle, le jeune homme, doué d’un courage de lion et d’un inaltérable sang-froid, se croyait capable de combattre avec avantage le taureau auquel il faisait face, et qui comptait, dans son for intérieur, avoir facilement raison de lui.

Le signal fut donné.

Felitz poussa un rugissement de joie, et s’élança le bâton levé, mais il frappa dans le vide, Julian passa dessous, appliqua deux maîtres coups de poing sur le visage de son adversaire ahuri, et lui lança un coup de pied dans les tibias.

Felitz jeta un cri de douleur, son visage se couvrit du sang qui sortait à flots de sa bouche et de ses narines ; le malheureux perdit la tête ; dès ce moment, il lutta au hasard, assénant de formidables coups de son bâton qui tous frappaient dans le vide.

Julian évitait tous les coups ; il tournait avec une rapidité vertigineuse autour de son adversaire, semblable à un roquet harcelant un taureau, chaque coup de pied ou de poing qu’il lançait arrivait au but avec une régularité mathématique.

Le visage du malheureux Felitz n’avait plus apparence humaine ; il était horriblement gonflé ; ses yeux avaient presque disparu ; son estomac se déformait et rendait des