Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Rien, je vais parler, puisque vous l’exigez.

— Oui, nous l’exigeons.

Le blessé sembla se recueillir pendant quelques instants, puis, reconnaissant sans doute la nécessité d’obéir et prenant résolument son parti :

— Soyez donc satisfaits, dit-il, et d’une voix claire et assurée, mais la rage dans le cœur il ajouta :

— J’ai eu tort. Je suis un misérable. J’ai été justement puni.

— Châtié, interrompit sèchement Julian.

— Châtié, soit ! reprit-il ; je demande pardon à Julian d’Hirigoyen, à qui j’ai, contre toute raison, cherché querelle et que j’ai contraint à se battre contre moi.

— C’est bien. Tout est dit, je te pardonne ; que Dieu te guérisse promptement !

— Oui, mais moi je ne te pardonne pas, démon, et je me vengerai, murmura Felitz d’une voix si basse que personne ne put l’entendre.

Cette dernière condition remplie, on s’occupa à improviser des moyens de transports ; un brancard fut en quelques minutes installé, au moyen de branches d’arbres, puis on souleva le blessé, on le posa dessus, et ses témoins se mirent en marche pour le porter à Serres où il habitait.

Felitz s’était évanoui.

Julian reprit ses vêtements, et, lorsqu’il se fut convenablement habillé, il se dirigea vers sa demeure en compagnie de Bernardo, qui ne voulut pas le quitter, et lui répéta plus de dix fois pendant la route :

— Je t’en prie, mon Julian, apprends-moi à me battre comme toi, c’est si avantageux quand on a une querelle.

De guerre lasse, Julian le lui promit, à la condition qu’il ne parlerait pas à son père du combat qui avait eu lieu avec Felitz et recommanderait aux autres témoins de garder le plus profond silence à ce sujet, ce que Bernardo lui promit à son tour.

Mais, soit que Bernardo eût oublié de prévenir les autres témoins, soit que lui-même eût manqué à sa pro-