Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/62

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Tout le monde tombait fauché par les balles et les boulets, autour de l’impassible docteur, qui, seul, demeurait sans une égratignure.

Les officiers l’admiraient, les soldats l’adoraient ; lui, toujours simple, bon et modeste, il semblait étonné des chaleureux éloges qu’on lui adressait ; ce qu’il faisait lui semblait tout naturel.

Après l’expédition de Mascara, où il avait accompli des prodiges de dévouement, il fut nommé officier de la Légion d’honneur et chirurgien en chef de l’armée.

Mais ce fut surtout pendant l’affreuse retraite de Constantine que la conduite du docteur dépassa toutes les limites de l’héroïsme ; pendant cette épouvantable débâcle, où les plus braves perdaient la tête, lui seul conserva son sang-froid.

À la tête de ses infirmiers et des chirurgiens sous ses ordres, qu’il électrisait, il allait chercher les blessés jusqu’au milieu des Arabes, et les ramenait ; jamais, de l’aveu de tous, le service d’ambulance ne fut mieux fait. Le docteur sauva la moitié de l’armée, par l’exemple qu’il donna.

Les princes le félicitèrent et le duc d’Aumale voulut lui remettre de sa main le cordon de commandeur de la Légion d’honneur, qu’il avait si bien mérité.

Sur ces entrefaites, le docteur, dont la douleur était toujours aussi profonde, malgré tout ce qu’il avait fait pour s’étourdir, reçut de France une lettre dans laquelle on lui annonçait que son fils était au plus mal, et que l’on ne conservait que peu d’espoir qu’il guérît.

En apprenant cette affreuse nouvelle, le docteur fut d’abord atterré, mais la réaction fut prompte ; il se raidit contre le désespoir qui l’envahissait.

— Je le sauverai ! s’écria-t-il, le pauvre enfant est tout ce qui me reste de la femme que j’ai tant aimée, je ne veux pas qu’il meure !

Il demanda un congé d’un mois, et, le lendemain même, il s’embarqua pour la France.

Le docteur n’avait jamais vu son fils !