Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/64

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à empirer son mal et à amener promptement une catastrophe.

Il était temps que le docteur arrivât ; deux jours de plus, il eût été trop tard.

Son premier soin fut de mettre le soi-disant médecin à la porte et de s’installer au chevet de son fils.

L’enfant avait une fièvre cérébrale compliquée de fièvre maligne et de fièvre putride ; une seule de ces affections, mal traitée, suffisait pour le tuer.

Le docteur ne découragea pas ; le père se doubla du médecin.

Pendant trente-trois jours, il veilla son fils sans s’éloigner une minute, presque sans prendre de repos ; disputant pied à pied, pouce à pouce, la frêle créature sur laquelle reposaient désormais toutes ses affections.

Enfin, il sortit vainqueur de cette lutte acharnée ; la nature aidant, il eut la joie immense de voir enfin son enfant entrer en convalescence.

Tous les instincts de l’amour paternel, qui sommeillaient au fond de son cœur, s’étaient éveillés à la fois pour ce petit être, auquel il avait presque donné une nouvelle existence. Il ne voyait plus, il ne pensait plus que par lui et pour lui ; il aimait son fils avec passion comme toutes les natures nobles et essentiellement aimantes, il avait reporté sur le fils l’amour profond, illimité, qu’il avait eu pour la mère ; en réalité n’était-ce pas elle qui revivait en lui ?

Il résolut de ne plus se séparer de son fils, afin de veiller sans cesse sur son enfance, de le voir grandir sous ses yeux, et de concentrer ainsi sur lui toutes ses joies et toutes ses douleurs, car la mort de sa femme lui avait fait au cœur une de ces blessures qui ne se cicatrisent jamais complètement.

Il envoya sa démission au ministre de la guerre ; malgré tous les efforts et toutes les prières tentées pour lui faire changer cette résolution, malgré les offres magnifiques qui lui furent faites, il demeura inébranlable : rien désormais ne devait le séparer de son fils.