Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/65

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Il s’installa dans la modeste maison qu’il possédait près de Serres, et qui était un bien de famille, et se fit le médecin de cette contrée, si déshéritée jusqu’alors, et pour laquelle ce fut un véritable bienfait.

Aussi, bientôt sa réputation s’étendit-elle dans tout le pays, et tous ces pauvres paysans, pour lesquels il était une providence, l’entourèrent de leur respect et le saluèrent de leurs bénédictions.

Son entrée dans une chaumière était considérée comme un bonheur ; le rencontrer et le croiser sur la route était un bon présage. Ces gens superstitieux étaient convaincus que sa présence seule suffisait pour amener une amélioration dans l’état du malade qu’il visitait.

La plupart de ses visites ne lui étaient pas payées, sinon en dévouement absolu.

Les paysans basques sont pauvres ; jamais il ne leur réclamait rien ; ils donnaient ou ne donnaient pas de rémunération pour ses soins, cela lui importait peu. Souvent même, il refusait et se fâchait quand certains d’entre eux, dont il connaissait la gêne, voulaient le payer. Seulement, quand on l’appelait à Bayonne, à Saint-Jean-de-Luz, à Pau ou à Mauléon, ses visites coûtaient fort cher à ceux qui les réclamaient ; les riches devaient payer pour les pauvres.

C’était justice ; personne ne s’en plaignait.

Depuis seize ans, le docteur menait cette existence toute de dévouement, au moment où nous le mettons en scène dans notre drame, où il est appelé à jouer sinon le premier, du moins un des rôles les plus importants.

…Cependant le cabriolet continuait à marcher ; il avançait rapidement. Déjà on voyait se profiler dans l’ombre les masses indécises de la ville ; la marquise, qui, jusqu’à ce moment était demeurée immobile et silencieuse, s’était redressée ; elle regardait attentivement au dehors.

— Dans quelques minutes vous serez chez vous, madame, dit le docteur.

— Oui, répondit-elle distraitement ; rapprochez-vous